Crise du Golfe -- développement, causes, perspectives
La chute immédiate des cours boursiers après l'invasion du Koweït et leur extrême volatilité depuis lors au gré des péripéties de la crise du Golfe démontrent une fois de plus l'influence prépondérante des événements politiques sur le quotidien des marchés. A l'inverse de ce qui s'était encore passé en 1973 dans le sillage de la guerre du Kippour au Proche-Orient, l'incidence de la présente crise sur l'économie mondiale restera cependant limitée, et ceci pour deux raisons au moins: d'une part, la dépendance vis-à-vis du pétrole a diminué, notamment celle des pays très industrialisés; d'autre part, même une guerre dans le Golfe n'affecterait guère durablement la capacité d'extraction de l'Arabie Saoudite, de loin le premier producteur. Si l'économie mondiale doit éprouver des difficultés ces prochains mois, elles ne seront certainement pas dues en priorité à la crise du Golfe.
La crise dure dans l'intervalle depuis trois mois. Après l'invasion du Koweït (2 août), la chute des cours boursiers et la flambée immédiate des prix de l'or noir, la troisième semaine de crise a atteint un nouveau paroxysme avec l'annonce par l'Irak (17 août) d'utiliser les otages occidentaux comme "boucliers humains", afin de protéger ses sites stratégiques militaires et industriels. Cela s'est traduit une nouvelle fois par un plongeon des Bourses et une envolée du pétrole à plus de $ 30 le baril (Brent blend). Fin août, la mission au Moyen-Orient de M. Pérez de Cuellar, secrétaire général de l'ONU, a quelque peu ramené le calme sur les marchés permettant d'enregistrer une baisse du brut et un raffermissement des cours des actions. Vers la fin septembre et au début de la deuxième semaine d'octobre, les menaces formulées par l'Irak d'utiliser ses missiles à moyenne portée en une attaque préventive contre Israël et l'Arabie Saoudite ont ravivé les tensions et entraîné derechef une flambée des prix du pétrole et repli des cours des actions. A la mi-octobre, les espoirs mis dans une solution pacifique ont redonné du tonus aux Bourses et fait baisser sensiblement les prix de l'or noir.
Les motifs irakiens
Bagdad revendique le Koweït depuis que l'Irak a accédé à l'indépendance en 1932. Pourtant, l'Etat koweïtien est plus ancien. Créé par la famille Sabah au milieu du XVIIIe siècle, l'émirat n'est que formellement tributaire de l'Empire ottoman. En 1899, le pays fait acte d'autonomie et signe un traité de protectorat avec la Grande-Bretagne afin de se protéger des maîtres turcs de l'époque résidant dans l'actuel Irak. Dans le traité de 1961, la Grande-Bretagne n'envisage en aucun cas l'autonomie, mais confirme au Koweït son indépendance et sa souveraineté. S'il culmine en juin et juillet 1990 au sujet des quotas d'extraction, des prix du pétrole et des champs pétrolifères de Roumeilah, le désaccord entre l'Irak et le Koweït a toutefois les visées irrédentistes de Bagdad pour toile de fond. Il ne fait aucun doute également que l'intransigeance de l'émirat lors de ce différend a aussi provoqué l'ire du dictateur irakien.
La situation économique et financière précaire de l'Irak, résultat de huit
années de guerre avec l'Iran (endettement proche de $US 80 milliards), a
cependant été le vrai motif d'envahir son voisin. En annexant le Koweït, et en
admettant que cette annexion soit entérinée, l'Irak épongerait non seulement
une grande partie de ses dettes, mais s'assurerait de
nouvelles sources considérables de revenus. En outre, il est difficile de
savoir si l'Irak n'a pas aussi caressé l'espoir de mettre la main sur le
patrimoine koweïtien investi dans le monde entier et géré depuis Londres.
Abstraction faite des avantages financiers résultant de l'annexion, l'objectif
stratégique de se ménager un accès sûr au Golfe a dû également jouer un rôle
pour Bagdad. Selon certaines sources arabes, l'Irak n'aurait occupé
l'ensemble
du territoire que pour se ménager des
atouts
dans des
négociations avec le Koweït sur le différend susmentionné (quotas d'extraction
et prix du pétrole. L'ampleur et la brutalité de l'action engagée ne peuvent
pourtant qu'infirmer cette thèse.
L'Irak et son maître
Comprendre la politique irakienne présuppose quelques notions sur le pays et son régime. Les hiérarchies du parti Baas, de l'administration et de l'armée constituent les piliers du système politique. Elles se contrôlent mutuellement et se concurrencent. Au sommet de ces trois hiérarchies, et donc disposant d'un triple contrôle de l'Etat, il y a le même homme: Saddam Hussein. Arrivé au pouvoir en 1979 à la suite de l'élimination sanglante de plusieurs dirigeants en vue, le nouvel "homme fort" a placé des membres de sa propre famille et des amis de sa ville d'origine (Tikrit) à la tête de l'administration, du parti et de l'armée. Ce cercle d'intimes et de conseillers, plutôt frustres mais idéologiquement très motivés, fait écran entre Saddam Hussein et les réalités. Ainsi, le dictateur ne semble pas avoir parfaitement saisi les bouleversements politiques intervenus cette année et l'an dernier dans le paysage international. Autrement, il n'aurait pas compté sur la tolérance de l'Union soviétique, voire sur son appui. Le caractère imprévisible de Saddam Hussein et son penchant pour les décisions rapides (et parfois erronées) rendent impossible toute prévision sur les développements de la crise. On doit se satisfaire de scénarios.
Embargo et déploiement militaire dans le Golfe
Avec une rapidité inaccoutumée, les Etats-Unis ont pu obtenir que le Conseil de sécurité de l'ONU condamne l'Irak et décrète un embargo total contre l'agresseur. L'action irakienne est effectivement unique en son genre dans les relations internationales depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Que des Etats s'ingèrent, notamment les grandes puissances, dans les affaires internes d'autres pays est un phénomène plutôt fréquent. En revanche, depuis 1945, un seul Etat en a occupé militairement un autre pour l'annexer purement et simplement. Il s'agit de la République populaire de Chine envahissant le Tibet en 1950, dont l'indépendance, il est vrai, n'était reconnue à l'époque que par quelques Etats. Le Koweït par contre est membre de l'ONU; son intégrité territoriale et sa souveraineté sont garanties par la Charte des Nations unies. De même, le pacte militaire entre les Etats riverains du Golfe, le "Conseil de coopération du Golfe arabe "(CGC), qui garantit au Koweït, qui en est membre, une protection en cas de menace extérieure n'a pas non plus intimidé le dictateur irakien. La manière d'agir de Bagdad constitue donc une violation flagrante et brutale du droit international, pouvant se transformer en dangereux précédent dans les relations internationales, s'il n'y était pas répondu adéquatement. Par ailleurs, l'importance que revêt le Koweït pour l'Occident a aussi incité ce dernier à réagir rapidement et durement.
Dès la première semaine de crise, les Américains ont convaincu le roi saoudien - au moyen de photos prises par satellite du déploiement des troupes irakiennes - d'accepter l'offre d'assistance militaire des Etats-Unis. Ce qui ne devait être d'abord qu'une protection contre une tentative d'invasion de l'Arabie Saoudite par l'Irak sert maintenant à intimider Bagdad dans la présente guerre des nerfs et éventuellement aussi à libérer le Koweït. Les forces américaines stationnées en Arabie Saoudite sont actuellement fortes de 200'000 hommes. Avec l'armée saoudienne, les unités koweïtiennes et les contingents des autres pays, la force multinationale dépasse 300'000 hommes. Elle fait directement face aux quelque 430'000 hommes de l'armée irakienne, bien équipée, déployée au Koweït. Globalement, l'Irak dispose de plus d'un million d'hommes sous les drapeaux. Compte tenu du rapport des forces en présence, une action militaire de la force multinationale ne pourrait compter que sur sa suprématie aérienne et l'effet de surprise.
Logique de guerre
Lors d'une interview, le prince Saoud ibn Fayçal, ministre des Affaires étrangères saoudien, a répondu à la question sur un éventuel déclenchement de la guerre dans le Golfe en indiquant "qu'elle avait déjà débuté et que c'était l'Irak qui l'avait commencée". La question est effectivement de savoir qui jouera le prochain coup et quand faut-il l'attendre.
Les plans américains consistent, ce que l'on a appris entre temps par une indiscrétion, en une sorte d'opération "coup de poing" visant à anéantir les infrastructures irakiennes (communications, commandement, contrôle) au moyen de fusées, de missiles de croisière et d'avions de combat. Ensuite, le Koweït devrait être libéré par les troupes au sol, avec éventuellement attaque simultanée de l'Irak même sur plusieurs fronts, afin de soulager l'action principale. Dans le meilleur des cas, l'opération ne prendrait que quelques jours. Dans le pire, l'Irak serait en mesure d'étendre le conflit à d'autres Etats de la région, soit à Israël essentiellement. Les Etats-Unis et leurs alliés ne peuvent envisager qu'une attaque surprise. En effet, le lieu et l'objectif de l'opération étant connus, seul reste le choix du moment pour surprendre l'adversaire. Un moment lui-même partiellement tributaire des conditions météorologiques. Par ailleurs, les Etats-Unis n'attaqueront que s'il y a provocation de la part de l'Irak. Mais il est vrai que c'est l'Administration Bush qui détermine ce qui doit être considéré comme provocation.
Une guerre "accidentelle" paraît plutôt improbable. Les consultations
permanentes entre les forces armées de l'Irak et des Etats-Unis, amorcées en
août 1987 trois mois après l'attaque irakienne à l'exocet lancée par erreur
contre la frégate américaine
Stark
, ont certes été interrompues entre
temps, mais les deux parties s'efforcent d'éviter tout incident pouvant
dégénérer en guerre ouverte. Une action préventive de l'Irak contre l'Arabie
Saoudite, Israël et les champs pétrolifères reste cependant possible. Dans ce
cas, les Etats-Unis prendront probablement les devants, car les préparatifs
irakiens ont peu de chance d'échapper au dispositif de surveillance américain
dans le Golfe. Saddam Hussein a néanmoins maintes fois menacé d'utiliser le
premier ses fusées, si on ne laissait pas d'autre
choix
à l'Irak.
Recherche d'une solution pacifique
Les efforts en vue d'une solution
pacifique se poursuivent sans désemparer. Saddam Hussein a assuré certains de
ses visiteurs que l'Irak s'estimerait satisfait avec une partie du butin
seulement, à savoir la région nord du Koweït - que le dictateur, culte de la
personnalité oblige, a déjà baptisé
Saddamiyat al Mitla
- ainsi que les
îles Warbah et Boubiyan. Un geste de la part des créanciers internationaux
serait également le bienvenu. Selon les mêmes visiteurs du dictateur,
l'insistance officielle sur la souveraineté "éternelle" de l'Irak sur la "19e
province" ne serait que la première offre, toujours très élevée en Orient, et
que la marge de manoeuvre pour le marchandage sur le "prix" d'un retrait
restait très large.
Une partition du Koweït ne requiert pas absolument l'assentiment des Etats-Unis et de ses alliés. Un retrait partiel "unilatéral" de l'Irak enfoncerait non seulement un coin dans le front de ses adversaires, mais rendrait toute action militaire peu crédible, car personne en Occident n'est disposé à se battre pour quelques kilomètres de côtes ou un morceau de désert, même s'il renferme du pétrole. Dans une perspective à plus long terme, une fin de la crise laissant intacte la machine de guerre irakienne (armements chimiques, bactériologiques et bientôt nucléaires) et faisant de son président un "apôtre de la paix" dans la région serait la plus mauvaise des solutions qui se puissent imaginer.
Après les difficultés rencontrées par les Etats-Unis à la suite de la fusillade du Mont du Temple le 8 octobre, les Irakiens se montrent cependant plutôt moins enclins à faire des concessions. De toute façon, les Etats-Unis n'envisagent de négocier qu'après l'évacuation totale et sans condition du territoire koweïtien par l'Irak, partant du principe qu'une "agression pure" ne doit pas être récompensée. Une solution pacifique n'est pas exclue, mais elle n'est pas non plus actuellement très vraisemblable.
Pat durable
La situation de pat actuel pourrait constituer le troisième scénario possible. Il est difficile de juger pour qui le temps travaille dans le Golfe. L'embargo produit des effets, mais peut-être insuffisants. Les troupes américaines ne peuvent pas rester indéfiniment en Arabie Saoudite, du moins pas dans les proportions actuelles (200'000 hommes). Plus l'engagement dure, plus le président Bush est en butte aux pressions de l'opinion publique. Le front international contre l'Irak tient encore, mais commence déjà à se lézarder. En novembre, après les élections américaines, l'heure des décisions aura sonné.
Modification de la structure des bilans bancaires
La statistique des bilans des banques suisses, fortement élargie depuis septembre 1990, met en lumière les modifications parfois profondes des divers postes du bilan, modifications qui sont le plus souvent dues à l'évolution du loyer de l'argent. Si la tendance de transformer des fonds passifs à moyen terme en placements à court terme à rémunération plus élevée se poursuit, l'écart entre l'afflux global de fonds et la demande de crédits se creuse toujours plus dans les affaires effectuées avec la clientèle suisse. Les adaptations des taux d'intérêt intervenues jusqu'en été n'ont encore rien modifié à cette évolution.
Pour qu'elle puisse fixer sa politique monétaire et fournir des statistiques au public, la Banque nationale suisse (BNS) exige des banques des bilans détaillés réguliers. Si ceux-ci faisaient jusqu'ici l'objet d'une statistique et d'une publication sommaires en fin de mois et détaillées en fin d'année, il existe pour la première fois, depuis septembre, également des résultats mensuels étendus figurant dans le supplément de statistique bancaire du Bulletin mensuel de la BNS. Ce supplément comprend, subdivisés par groupes de banques, positions, domicile des débiteurs (Suisse et étranger) et monnaies, les bilans et les affaires fiduciaires de 352 banques dont la somme des bilans, soit Fr. 980 milliards, représentait 95% du total de ceux des banques et sociétés financières domiciliées en Suisse. En outre, pour 115 de ces banques (part de marché: 85%), il existe désormais une statistique des crédits structurée par groupes économiques et secteurs suisses. Toutes ces données concernent la période allant jusqu'à juillet 1990 compris.
Les clients suisses demandeurs de capitaux
Jusqu'en juillet, les tranferts de fonds passifs se sont multipliés. Les fonds d'épargne et de dépôt suisses des 352 banques fournissant mensuellement des rapports à la BNS ont encore régressé de Fr. 12 milliards contre Fr. 16 milliards pour l'ensemble de 1989. Compte tenu des dépôts à vue, la diminution nette des fonds faiblement rémunérés a même été de Fr. 17,3 milliards (1989: Fr. 19,2 milliards) au cours des sept premiers mois de 1990. Les clients suisses ont investi pratiquement le même montant dans les créanciers à terme dont les taux d'intérêt sont élevés (1989: Fr. 31,3 milliards) et Fr. 7,7 milliards net (Fr. 6,5 milliards) en obligations de caisse. Les fonds versés par la clientèle suisse aux banques ont de ce fait totalisé Fr. 7,4 milliards, tandis que les crédits utilisés se sont accrus à un rythme à peine moins soutenu, à savoir de Fr. 26,8 milliards. La position débitrice nette de cette catégorie de clients, qui est la plus importante, a par conséquent augmenté de Fr. 19,4 milliards pour s'établir à près de Fr. 50 milliards, alors qu'à fin 1988 les crédits ouverts et les fonds du public étaient encore pratiquement équilibrés.
En revanche, au cours des sept premiers mois de 1990, les clients étrangers ont effectué des dépôts pour un montant net de Fr. 1,8 milliard, les crédits ayant été un peu moins sollicités. Quant à l'augmentation de Fr. 4,8 milliards des effets de change et des papiers monétaires, elle est également due pour l'essentiel à l'étranger. L'impasse de refinancement des affaires conclues avec la clientèle et des placements à court terme (Fr. 22,4 milliards) a été comblée à raison de Fr. 8,8 milliards par des opérations sur le marché des capitaux et de Fr. 9,5 milliards par des affaires interbancaires, secteur dans lequel le traditionnel excédent des avoirs s'est transformé en une position débitrice. La diminution des liquidités de Fr. 3,3 milliards, en revanche, n'est qu'un phénomène passager entre les bouclements trimestriels et annuels.
Prêts hypothécaires sollicités
Dans la statistique des crédits, il est frappant de constater que depuis le
début de l'année les crédits de construction et les prêts hypothécaires se sont
proportionnellement accrus plus fortement que les autres crédits et prêts.
Cette croissance est due davantage aux entreprises qu'aux ménages privés, qui
constituent de loin la principale catégorie de débiteurs dans ce domaine. Bien
que cette évolution reflète partiellement les besoins de consolidation de gros
projets de construction en voie d'achèvement, elle signale aussi le tranfert de
crédits commerciaux vers les prêts
hypothécaires moins chers, tandis que le rythme des amortissements facultatifs
s'est simultanément ralenti. L'augmentation des taux hypothécaires annoncée en
août devrait uniformiser le développement des divers secteurs du crédit ainsi
que - conjointement avec le relèvement des taux d'épargne - des prêts et des
fonds du public.
Position extérieure nette de la Suisse en 1989
La croissance des importations ayant été plus soutenue que celle des exportations, le solde actif de la balance des transactions courantes a diminué de Fr. 1 milliard à Fr. 12,2 milliards en 1989. De par la forte augmentation des importations de capitaux, le solde passif des mouvements de capitaux s'est contracté de Fr 21,8 milliards à Fr. 4,3 milliards. La Banque nationale, jusqu'ici importatrice de capitaux, est devenue exportatrice.
La balance suisse des paiements donne un aperçu des transactions entre la Suisse et l'étranger. Les revenus de l'exportation de biens et de services, et les capitaux étrangers placés en Suisse (= importations de capitaux) constituent les entrées de devises. Les paiements de biens et services importés et les capitaux suisses placés à l'étranger forment les sorties de devises. Même si le terme "balance des paiements" fait penser à une balance, c'est à dire à l'état du patrimoine à un jour de référence, il s'agit en fait plus d'une mesure des mouvements, des flux à partir des recettes et des dépenses sur une période déterminée. A l'exception des postes de la balance des transactions courantes, il s'agit en fait de soldes.
Balance des transactions courantes, excédent de Fr. 12,2 milliards
En 1989, les revenus de la balance des transactions courantes ont progressé de 16% à Fr. 133,1 milliards et les dépenses de 18% à Fr. 140,9 milliards. Le traditionnel solde actif de la balance des transactions courantes a ainsi fléchi à Fr. 12,2 milliards. Pour la première fois, les recettes ont atteint plus de la moitié du produit national brut. Tant du côté des recettes que de celui des dépenses, l'expansion a reposé sur une large assise. Les exportations de marchandises se sont accrues de 13,8% et les importations de 15,5%. Dans le domaine du tourisme également, les recettes ont augmenté notablement (10%), après trois années de faible progression. L'essor du commerce extérieur a eu aussi des répercussions positives sur les produits tirés des opérations de commerce en transit (25%) et des transports de marchandises (11,7%). Le nombre des frontaliers étrangers ayant augmenté de 12%, les salaires versés à l'étranger se sont accrus de 16,4% à Fr. 7 milliards. Les rentrées de la Suisse au titre des revenus de capitaux ont progressé de 25,7% pour atteindre Fr. 38,3 milliards, à la suite de l'accroissement des avoirs suisses à l'étranger, de la hausse des taux d'intérêt et du repli de la valeur extérieure du franc. Les dépenses - revenus des capitaux étrangers placés en Suisse - se sont accrues de 55% passant à Fr. 16,9 milliards.
Banques, importations nettes de capitaux
Par rapport à 1988, le recul de 80% à Fr. 4,3 milliards des sorties nettes de devises dues aux mouvements de capitaux résulte de l'évolution divergente des composantes de la balance des transactions courantes. Si les investissements directs des entreprises suisses ont fléchi à Fr. 11,4 milliards, les avoirs étrangers en Suisse se sont accrus à Fr. 3,1 milliards après la stagnation de 1988. En ce qui concerne les investissements de portefeuille (placements en titres), les placements en titres étrangers effectués par les investisseurs suisses ont nettement reculé à (Fr. 14,2 milliards, alors que les placements en titres suisses des non-résidents ont progressé à Fr. 11,9 milliards. Ce sont toutefois les banques commerciales qui ont fait la différence en réduisant leurs crédits sur l'étranger de Fr. 11,2 milliards et en important par ailleurs Fr. 13,6 milliards. Leurs opérations ont conduit à des importations nettes de capitaux pour Fr. 25 milliards (sans les fonds fiduciaires et les métaux précieux). La position traditionnellement créancière des banques suisses est donc devenue débitrice dans le domaine des opérations interbancaires avec l'étranger. Cette évolution reflète la forte hausse de la demande de crédits en Suisse et l'insuffisance de l'afflux de fonds de la clientèle imputable aux taux d'intérêt. Les indices relevés en 1990 laissent présager une poursuite de cette tendance.
Que l'excédent net des exportations de capitaux s'élève malgré tout à Fr. 4,3
milliards résulte principalement des
mouvements de capitaux à court terme. Les fonds fiduciaires placés à l'étranger
se sont fortement accrus de Fr. 24 milliards. L'équilibre de la balance des
paiements résulte, d'une part, de l'intervention de la Banque nationale - la
modification de ses réserves monétaires en monnaies étrangères et ses
opérations destinées à stabiliser la valeur extérieure du franc ont débouché
sur des sorties de devises de Fr. 2,3 milliards - et, d'autre part, d'erreurs
statistiques et de transactions non comptabilisées pour un montant de Fr. 5,7
milliards.
Balance suisse des paiements
Position 1989
1988
1987
Recettes Dépenses Solde Solde Solde
mia. de Fr. mia. de Fr. mia. de Fr. mia. de Fr. mia. de Fr.
Trafic de marchandises
Services
Revenu du travail et de capitaux
Transferts sans contrepartie
Balance des transactions courantes
Investissements directs
Investissements de portefeuille
Mouvements de capitaux des banques commerciales
Autres mouvements de capitaux
Total des mouvements de capitaux 1
Mouvements de capitaux de la Banque nationale
Variations des réserves de devises
Ajustements de valeur sur la position extérieure nette
Erreurs et omissions
Balance des paiements
1 sans la Banque nationale
Chronique boursière
Suisse: politique de placement sélective
Le déclenchement de la crise du Golfe et la flambée du prix du pétrole qui en a résulté (jusqu'à $ 40 le baril de WTI) a fortement déprimé les marchés boursiers dans le monde entier. Cet effondrement des cours n'a pas épargné les Bourses suisses. Entre temps, le prix de l'or noir a cédé du terrain, se repliant même momentanément sous la barre des $ 30 le baril, mais le redressement espéré des marchés des actions se fait toujours attendre. Outre le risque latent de guerre dans le Golfe, d'autres facteurs pèsent sur les Bourses. Il s'agit avant tout des coûts élevés qui font préférer le marché monétaire, des perspectives bénéficiaires moins optimistes du secteur bancaire, du ralentissement attendu dans la construction, ainsi que des moins bons résultats prévus des multinationales et qui sont attribuables à la fermeté du franc suisse.
Compte tenu de cet environnement, les placements sur le marché monétaire restent encore attrayants pour le moment. On peut aussi lentement renforcer les portefeuilles obligataires, en mettant l'accent sur les durées moyennes.
Quant à la Bourse suisse, la vedette va aux actions de sociétés axées sur le marché intérieur et l'Europe. A moyen terme, les titres des multinationales redeviendront plus intéressants. Nous privilégeons pour le moment le secteur alimentation, dont les titres peuvent être considérés comme des valeurs de croissance stables et particulièrement attrayantes dans le contexte actuel. On retiendra les sociétés disposant de bonnes parts de marché, de produits réputés, d'une croissance stable et de marges brutes élevées d'autofinancement.
Les valeurs du commerce de détail méritent également l'attention. Malgré un léger tassement de la consommation et une inflation élevée, la réduction des prix de revient des produits importés des Etats-Unis et du Japon permettront à cette branche d'accroître ses marges l'an prochain.
Le secteur bancaire ne doit pas être négligé dans un portefeuille diversifié, étant donné son poids dans la composition de l'indice boursier. Si les perspectives bénéficiaires sont quelque peu moroses pour le présent exercice, elles sont cependant déjà escomptées dans les cours actuels. Un volume de prêts plus important et une nouvelle augmentation du produit des opérations sur devises - générée par les volatilités croissantes - compenseront partiellement l'érosion des marges dans les opérations de crédit. En outre, le rendement élevé en termes de dividende (5%; moyenne du marché: 2,9%) protège les titres bancaires de tout recul intempestif. Les valeurs des secteurs assurances, industrie mécanique, pharmacie et chimie promettent également de bonnes performances. En revanche, les branches construction (ralentissement dû aux taux d'intérêt) et transports (instabilité des prix du pétrole) ont perdu actuellement quelque peu de leur intérêt.
Marchés de l'argent et des capitaux
Amorces d'une détente
Les turbulences des deux derniers mois sur les marchés internationaux des capitaux ont fait place, en octobre, à une appréciation un peu plus optimiste de l'évolution de l'inflation et des taux d'intérêt. Même si d'autres facteurs d'influence, notamment les problèmes budgétaires non résolus des Etats-Unis, ont de plus en plus occupé le devant de la scène, les événements du Golfe persique et la réaction des marchés pétroliers sont demeurés les éléments déterminant les taux d'intérêt. Il s'est toutefois avéré que ni le prix excessif du pétrole, qui avait dépassé les $ 40 par baril, ni le recul ultérieur à un niveau illustrant mieux l'offre et la demande n'ont profondément touché les marchés financiers. Etant donné que le risque d'une guerre subsiste malgré les signes d'un règlement diplomatique de la crise, la détente des marchés des capitaux a été limitée dans un premier temps. Ce n'est qu'au Japon que les rendements ont reculé d'un pour cent en octobre, soit à peu près dans la même mesure qu'ils avaient progressé après l'éclatement de la crise du Moyen-Orient.
Effets papralysants du débat budgétaire aux Etats-Unis
Outre l'influence de la politique monétaire et du marché pétrolier, le monde financier américain a été placé sous le signe du débat budgétaire pour l'année fiscale 1990/91 qui a commencé au début octobre. Même si on était généralement conscient de la nécessité de réduire le déficit, ce n'est qu'à fin octobre que l'administration et le Congrès sont arrivés, en prévision des élections de novembre, à un compromis sur la réduction des dépenses et les relèvements d'impôts. Ces tergiversations ont empêché la Réserve fédérale d'assouplir sa politique monétaire. Cette dernière avait en effet subordonné cette mesure, prématurée du point de vue de la stabilité politique tout en étant nécessaire compte tenu des signes de récession, à une plus grande discipline budgétaire (allant dans le sens de la stabilité). Alors que la rémunération des fonds fédéraux avait été été abaissée d'un quart de pour cent, après avoir d'abord évolué sans tendance définie, les rendements des emprunts d'Etat se sont repliés de 0,2 point au cours de la seconde quinzaine du mois consécutivement à l'effondrement du prix du pétrole.
Abaissement du taux de base britannique
Discutée pendant des mois avant de devenir effective à la surprise générale le 8 octobre, l'entrée de la livre dans le mécanisme des taux de change du Système monétaire européen (SME) a été accompagnée d'un abaissement du taux de base de 15 à 14% par la Banque d'Angleterre. Cette mesure devait, d'une part, montrer que le renchérissement a atteint son sommet en Grande-Bretagne et que la valeur extérieure de la livre se stabiliserait d'elle-même, et, d'autre part, soutenir une économie manifestant des signes de faiblesse. Le marché obligataire britannique n'a réagi que pendant une brève période; la diminution du rendement de 0,3%était due en premier lieu à l'apaisement du marché pétrolier.
Les rendements des emprunts français se sont repliés à peu dans la même mesure, alors que le marché obligataire allemand offrait une marge de manoeuvre un peu plus restreinte pour un abaissement des taux d'intérêt. La reprise marquée du marché obligataire japonais, où les rendements ont reculé de 8,7 à 7,7% en l'espace d'un mois, corrigeait la réaction excessive antérieure, tout en étant la conséquence logique de l'affermissement du yen. La Banque du Japon est cependant résolument décidée à ne pas compromettre les effets de sa politique monétaire restrictive par des taux du long terme trop élevés.
Marché du franc sans tendance
Sur le marché suisse de l'argent, les taux d'intérêt, notamment ceux du court terme, ont légèrement reculé au début du mois. Les taux des eurofrancs se sont néanmoins ressaisis dans la seconde moitié du mois d'octobre. C'est la raison pour laquelle les taux des dépôts à terme, après avoir été initialement abaissés, ont dû être relevés en deux étapes. Compte tenu de la politique monétaire toujours restrictive de la Banque nationale suisse et de la faible modification de la valeur extérieure du franc suisse, cette évolution reflète les rapports existant entre les taux d'intérêt sur le plan international, à savoir que les taux des eurofrancs étaient notablement inférieurs à la rémunération des euromarks dès le début de septembre et, dès le début d'octobre, à celle des eurodollars.
La marge de manoeuvre actuellement limitée pour un abaissement du loyer de
l'argent en Suisse est entre autres illustrée par le marché des capitaux, où
les rendements sont restés élevés malgré une influence positive de l'étranger.
Les perspectives d'une décélération de l'inflation devraient provoquer une
légère détente du marché obligataire suisse. En ce qui concerne les emprunts
étrangers libellés en francs suisses, une telle évolution pourrait cependant se
heurter à une sollicitation excessive du marché.
Sous le signe de la baisse
En octobre, les cours ont été soumis à forte pression. Au début du mois déjà, en raison de l'extrême faiblesse du platine provoquée par les craintes d'une récession, l'or s'est retrouvé au-dessous de la barre des $ 400 qu'il avait franchie pour une courte période à fin septembre. Ensuite, les fluctuations du pétrole et du dollar ont influencé les mouvements du métal jaune, les prises de bénéfice et la demande physique limitant ses amplitudes vers le haut et vers le bas. Au milieu du mois, les menaces de l'Irak à l'encontre d'Israël ont stimulé l'or, alors que l'argent chutait à son plus bas depuis 1976. Les courtiers ont expliqué ce repli brutal par le fait que l'argent, métal industriel comme le platine, a été délaissé par les investisseurs face au danger de crise pouvant résulter de la hausse des prix du pétrole. Durant le seconde quinzaine d'octobre, la perspective d'une détente de la situation dans le Golfe et la diminution du prix du baril ont occasionné une nouvelle glissade de l'or.
Le 31 octobre, l'or a clôturé à $ 379.50 l'once, l'argent à $ 4.23 l'once et le
platine à $ 422.50 l'once.
Premiers pas de la livre sterling dans le SME
En octobre deux événements principaux ont marqué le marché des changes. Le premier a été sans conteste l'entrée de la livre sterling dans le mécanisme de change du SME, décision (finalement) prise par le gouvernement britannique onze années et demi après la création du système monétaire européen. Cette adhésion, effective à partir du 8 octobre, a fixé le taux pivot de la livre à DM 2.95 avec une marge de fluctuation de part et d'autre de 6% et a suscité une période d'euphorie sur les marchés, bien que le taux de base ait été ramené de 15 à 14%. Cette envolée (10 pfennig) n'a été que temporaire et la livre a cédé du terrain à la suite de la défaite électorale des conservateurs et de spéculations sur de nouvelles baisses des taux. L'autre événement marquant a été la
mise au point laborieuse d'un accord budgétaire aux Etats-Unis, qui a pesé sur le dollar. L'apaisement puis l'attisement des tensions dans la région du Golfe ont également influencé l'évolution des relations de change.
Le dollar et le franc à la même enseigne
Le dollar a évolué comme suit: Fr. 1.2820 le 1er octobre, Fr. 1.3010 le 2, Fr. 1.2595 le 18 et Fr. 1.2845 le 31. L'espoir d'un prochain assouplissement de la politique monétaire de la Réserve fédérale nourri par un semblant d'entente sur l'assainissement du budget américain a initialement affaibli le dollar. Tendance accrue par de nouveaux signes précurseurs de récession, par le désintéressement verbal de Washington du cours du billet vert et par les échos plus conciliants provenant du Moyen-Orient. D'autre part, les efforts longtemps stériles du parlement pour arriver à un accord
budgétaire firent prendre conscience de l'impuissance momentanée de la Réserve fédérale d'intervenir sur les taux d'intérêt. Cela profita alors au dollar qui bénéficia en outre de la peur croissante d'une solution militaire à la crise du Golfe et d'un PNB au troisième trimestre dépassant les prévisions.
Envol du mark allemand
Le mark cotait 1.5505 par dollar le 1er octobre, 1.5592 le 2, 1.4970 le 19 et 1.5170 le 31. Par rapport au franc suisse, il se négociait à 82.68 pour cent unités le 1er octobre et à 84.81 le 31. La réunification allemande et les résultats brillants de l'Union chrétienne démocratique aux élections des parlements des Länder en Allemagne de l'Est n'ont fait gagner d'abord que quelques points au mark. Pourtant, et malgré des pronostics conjoncturels timorés concernant l'Allemagne unie, la devise germanique a grimpé par la suite à un sommet record par rapport au dollar. A l'origine
de cet envol, il y avait la politique monétaire restrictive et la déclaration de la Banque fédérale prônant la nécessité de taux d'intérêt élevés et d'une monnaie forte pour attirer les capitaux étrangers indispensables au financement de la réunification.
Le yen toujours ferme
Le yen s'échangeait à 137.55 par dollar le 1er octobre, à 123.80 le 18 et à
129.35 le 31. Il doit sa nouvelle progression à la reprise impressionnante de
la Bourse de Tokyo, à la hausse des cours des obligations, aux taux du court
terme relativement élevés, au tassement momentané des prix du pétrole ainsi
qu'à l'éventuelle entrée des Etats-Unis dans une récession. Seule l'aggravation
de la situation dans le Golfe (hausse des prix pétroliers) a freiné le yen.
L'inflation bientôt à son zénith
En septembre 1990, l'
indice national des prix à la consommation
a
progressé de 0,5% à 122,8 points (décembre 1982=100). L'augmentation de
l'indice procède pour près des deux tiers du renchérissement de l'essence et de
l'huile de chauffage. Dans le même temps, les groupes chauffage et éclairage(+
3,6%) et transports (+1,5%) ont également haussé. La progression a été moindre
notamment dans les groupes habillement (+ 1,3%) et articles ménagers (+0,5%),
santé et soins personnels (+0,2%) et denrées alimentaires (+0,1%). Le
renchérissement annuel est resté inchangé en septembre, soit à 6,1%. Il
augmentera encore légèrement en octobre, en raison des hausses des prix du
pétrole intervenues dans la première quinzaine du mois. De ce fait, l'inflation
devrait avoir atteint un sommet. Par contre, le fléchissement des prix du
pétrole dans la seconde quinzaine d'octobre exercera un effet modérateur, en
novembre, sur le renchérissement annuel.
En septembre, l'
indice suisse des prix de gros
n'a progressé que de 0,1% à
184,1 points (1963=100). L'augmentation des prix des produits énergétiques a
été partiellement compensée par des baisses dans les groupes matières premières
et produits semi-finis. D'une année à l'autre, les prix de gros ont haussé de
1,8%.