UBS Economic Notices (fre) 6/1991

Le particularisme suisse - jusqu'où?

Nikolaus Senn, Président du Conseil d'administration de l'Union de Banques Suisses * * Version abrégée de l'exposé tenu à l'Assemblée générale de l'UBS le 17 avril 1991 à Zurich.

Le 700e anniversaire de la Confédération se prête bien à la rétrospective et aux mises au point. Parallèlement, pour ne pas dire surtout, il nous faut envisager l'avenir. Notamment parce que nous vivons une époque de bouleversements et de mutations qui embrassent tout autant la technique que l'économie, la société que la politique.

Les résultats économiques de la Suisse sont globalement positifs. Mesuré au produit national brut par habitant, nous appartenons aux nations les plus riches du globe. En outre, la prospérité - aussi en comparaison internationale - est relativement bien répartie. Un taux de chômage le plus faible du monde, un réseau de sécurité sociale aux mailles serrées et les solides relations de partenariat entre employeurs et employés sont les principaux piliers de la paix sociale dans notre pays. La recherche innovatrice, l'esprit d'entreprise et l'ouverture sur le monde passent - du moins en économie - pour des qualités typiquement suisses. Le niveau de formation des Suisses ne craint pas non plus la comparaison. Quant à nos charges salariales, elles sont plus lourdes que dans d'autres pays, mais la haute qualification et la productivité de la main-d'oeuvre les compensent. Ces aspects qualificatifs justifient donc le bien-fondé de la bonne réputation du "Made in Switzerland".

Parallèlement, il est incontestable que l'avance prise sur nos principaux concurrents s'est réduite. Nos avantages traditionnels de site au niveau fiscal, de l'inflation et de taux d'intérêt ont fondu, parfois de notre faute, le plus souvent parce que nos voisins ont fait des progrès. Cela nous oblige à intensifier notre développement.

Décollage vers quels horizons?

C'est en Europe que la contrainte au bouleversement historique s'exerce avec le plus de force. La Communauté européenne crée le plus grand marché intérieur du monde, tandis que le communisme a déclaré forfait en Europe orientale. Par ailleurs, la séparation du monde depuis des décennies en systèmes totalitaires et Etats démocratiques tend à s'estomper. L'Europe resserre les rangs et la Suisse ne peut ignorer cette évolution . Elle doit - d'une manière ou d'une autre - s'intégrer à la famille européenne. L'objectif lointain d'union politique de l'Europe n'est toutefois acceptable pour nous qu'avec une structure fédérative de la communauté.

Depuis quelque temps, la plupart des pays industriels occidentaux essaient de stimuler la croissance en facilitant davantage la percée des forces du marché par le biais de la déréglementation et de la libéralisation. En Suisse, le desserrement du carcan des prescriptions de l'Etat, susceptible de favoriser l'économie, ne se fait malheureusement que peu sentir. L'économie de marché y bat plutôt en retraite au moment où la foi dans les capacités du marché brise les chaînes du dirigisme en Europe de l'Est. Pendant que, par exemple, la Hongrie supprime l'Office national des prix, nous soumettons ici à surveillance les taux du crédit, après les prix.

Nous devons davantage aider au décollage de l'économie de marché chez nous, si nous ne voulons pas être submergés par la nouvelle dynamique de l'économie mondiale. Le succès international ne dépend plus uniquement de la compétitivité des entreprises; les Etats doivent aussi s'employer à fidéliser les sociétés devenues plus mobiles en offrant des conditions de site attrayantes. On ne peut gagner cette compétition internationale en attendant simplement l'EEE. Il nous faut agir de notre propre initiative. Nous pouvons, indépendamment de l'évolution des négociations sur l'EEE, revoir la réglementation concernant l'accès au marché de l'emploi ou libéraliser la loi protectionniste sur les marchés publics, pour réaliser enfin le marché intérieur suisse. Est-ce que la politique agricole ne doit vraiment être adaptée qu'en vue de l'EEE? Et que je sache, Bruxelles ne bloque en aucun cas l'adoption d'une législation praticable sur les sociétés anonymes, en révision depuis des décennies.

Système fiscal efficace

Dans l'optique du banquier, le problème soulevé par la fiscalité, la stabilité monétaire et la question de la place boursière Suisse sont des domaines particulièrement sensibles. Même après la votation du 2 juin sur la réforme fiscale, nous seront encore loin d'un système fiscal attrayant et efficace sur le plan international. Ainsi, la Suisse est encore l'un des rares pays industriels à pénaliser le courage de prendre des risques en soumettant la création et l'expansion d'une entreprise à un droit de timbre d'émission. Quant à la retenue à la source sur les intérêts et les dividendes, nous occupons la position peu enviable de lanterne rouge avec un impôt anticipé de 35%. Le droit de timbre de négociation sur les opérations boursières continuera de frapper les achats et les ventes de titres, même après l'entrée en vigueur de la loi révisée sur les droits de timbre, alors que cette taxe a été supprimée sur les places financières concurrentes. Affectant la société et l'actionnaire, la double imposition des bénéfices constitue enfin un anachronisme lourd de conséquences. Nos principaux concurrents (Allemagne fédérale, Grande-Bretagne et France) s'en sont aperçus et ont agi en conséquence. Il est essentiel que nous interprétions aussi les signes des temps et que nous mettions tout en oeuvre sur le plan fiscal afin de permettre à nos entreprises de lutter à armes égales avec la concurrence étrangère.

Rétablir la stabilité monétaire

La stabilité monétaire est le deuxième pilier de la compétitivité internationale. Elle englobe une inflation et des taux d'intérêt de faible niveau, mais aussi une valeur extérieure stable du franc suisse. Sur ces deux fronts, la Suisse a perdu du terrain au cours des années quatre-vingt. Le taux de renchérissement dépasse depuis plus de cinq ans celui de nos principaux concurrents sur le marché mondial et s'est aussi répercuté sur les taux d'intérêt. Compte tenu de la politique monétaire restrictive, il en a résulté une disparition du différentiel d'intérêt en faveur des taux suisses du court terme. Quant aux taux du long terme, ils ont aussi fortement haussé.

Je doute cependant que cette tension des taux d'intérêt signe notre arrêt de mort de pays à loyer de l'argent modéré. L'interconnexion progressive des marchés de l'argent et des capitaux ne permettra plus à l'avenir des différentiels d'intérêt substantiels et durables sur le plan international. En revanche, une politique monétaire axée sur la stabilité des prix aura un effet modérateur sur le niveau des taux. La stabilité des prix reconquise et le volume de l'épargne restant élevé, je peux tout à fait m'imaginer un retour à un loyer de l'argent modéré - ou relativement modéré.

L'évolution du franc suisse jouera également un rôle non négligeable. L'investisseur international ne se satisfait d'une rémunération plus faible que s'il peut compter sur une monnaie forte. En 1990, le franc suisse a regagné un attrait, donc une fermeté, à laquelle la réorientation de la politique monétaire n'est pas étrangère.

Devenir une place boursière moderne

En tant que banquier, le maintien et l'amélioration de la compétitivité de la place financière suisse me tiennent particulièrement à coeur et le négoce des titres est à ce sujet d'une actualité brûlante. La Bourse a pour mission d'assurer l'équilibre entre les fonds épargnés et investis et de répartir les risques inhérents. Par la transformation des montants, des délais et des risques, les marchés boursiers contribuent de façon déterminante à l'exploitation économique de l'épargne. Le financement des entreprises est d'autant moins onéreux que la Bourse remplit bien et avec efficacité sa mission.

La place boursière a perdu une partie de son éclat d'antan ces dernières années. Cela est d'autant plus regrettable que les années quatre-vingt ont été le théâtre d'un certain passage du financement bancaire traditionnel à la mobiliérisation. La situation de la Suisse ne s'est pas plus dégradée dans le secteur boursier que dans d'autres domaines, mais les places financières étrangères ont sensiblement gagné en attrait. Ainsi l'Allemagne fédérale a récemment voté une loi d'encouragement en faveur de sa place financière, tandis que la France essaie aussi d'accroître la compétitivité de sa corbeille par le soutien de l'Etat. Cela vaut aussi pour la Grande-Bretagne et le Luxembourg. C'est pourquoi il serait grand temps d'agir en Suisse dans ce domaine. Abstraction faite du handicap que présente le droit de timbre de négociation, tois points me paraissent à ce sujet essentiels:

Premier point: il s'agit d'améliorer les informations sur le négoce des titres et la présentation des comptes annuels. On n'insistera jamais assez sur l'importance qu'ont de bonnes informations pour la Bourse. Une répartition optimale des risques économiques par le biais de la Bourse n'est possible que si on dispose de données détaillées sur le volume et la structure des opérations boursières, ainsi que d'un rapport expressif sur l'entreprise. Dans cet esprit, l'UBS a présenté pour la première fois cette année des comptes consolidés sur la base des directives de la CE.

Deuxième point: la demande d'assouplir autant que possible la pratique des restrictions à la transmissibilité des actions n'est pas non plus contestée. Cela ne signifie toutefois pas que nous devons renoncer à toutes les restrictions en matière de droit de vote. Vu l'exiguïté du territoire, notre pays serait mal inspiré d'exposer les entreprises à un raz de marée ruineux d'OPA résultant de mesures de libéralisation irréfléchies. C'est pourquoi la possibilité de limiter la détention d'actions nominatives à un pourcentage déterminé est à maintenir pour éviter les excès. En outre, les sociétés devraient aussi être en mesure d'exclure certains groupes de personnes du cercle des détenteurs d'actions nominatives, ne serait-ce que pour répondre aux dispositions légales (de la Lex Friedrich ou de la Loi sur les banques notamment). Il faut cependant rejeter toute habilitation arbitraire du conseil d'administration et les éventuels motifs permettant de refuser l'inscription doivent être clairement stipulés dans les statuts.

Le Code suisse des offres publiques d'achat est étroitement lié à cette problématique. Il doit permettre aux actionnaires et aux organes de la société de décider en toute connaissance de cause lors d'une OPA. Il contribue à éviter les manipulations du marché en assurant le respect par les intéressés des règles de bonne foi. Le futur droit boursier devrait aussi régler clairement ces questions. La publication des prises de participations dans des sociétés cotées en Bourse à partir d'un pourcentage déterminé et l'obligation de soumettre une offre publique dès qu'une certaine valeur est dépassée sont notamment des points essentiels. Il faut également s'assurer que tous les actionnaires de la même catégorie sont traités de façon identique lors d'une OPA. La confiance dans nos Bourses s'en trouvera renforcée.

Troisième et dernier point: je considère la réforme du fédéralisme boursier comme des plus urgentes. Les premiers pas sur cette voie ont déjà été accomplis. Avec la SOFFEX, lancée avec succès il y a environ trois ans, les opérateurs du marché ont montré leur inépuisable capacité à innover et l'attrait des Bourses suisses s'en est trouvé sensiblement amélioré. Effectué auparavant sur sept places boursières, le négoce des titres sera concentré sur les trois plus grandes Bourses de Zurich, Genève et Bâle d'ici la fin de 1991. La mise en place de la Bourse Electronique Suisse prévue en 1992 - qui traitera d'abord le secteur des obligations en francs suisses - vise aussi à améliorer l'efficacité du négoce des valeurs mobilières.

Stratégie d'avenir!

La politique doit aussi abandonner la défensive pour une stratégie axée sur l'avenir, si la Suisse ne veut pas être ravalée de l'état de cas particulier à celui de candidate à l'assainissement. En redécouvrant les atouts traditionnels de notre système libéral, l'ouverture sur le monde et la stabilité, nous pouvons, j'en suis convaincu, aborder avec confiance le huitième siècle de notre existence et le troisième millénaire.

Coût élevé de la main-d'oeuvre en Suisse

Dans le choix du site d'implantation d'une entreprise, la disponibilité et le coût des facteurs de production jouent un rôle aussi essentiel que l'environnement économique. Composantes du coût, les salaires et prestations sociales - les coûts de main-d'oeuvre - pèsent aussi lourdement dans la balance que le niveau des taux d'intérêt réel ou la charge fiscale. Or, dans la comparaison internationale des coûts de main-d'oeuvre recensés dans l'industrie transformatrice, la Suisse s'est rangée en 1990 au nombre des sites de production les plus chers du monde.

Les coûts de main-d'oeuvre assumés par une entreprise sont constitués des salaires et des charges salariales accessoires. Ces dernières englobent les prestations sociales légales, conventionnelles et facultatives ainsi que les charges imputables aux jours chômés; elles varient fortement d'un pays à l'autre suivant le développement du système social et leur mode de financement, et grèvent par conséquent le budget des entreprises de manière différenciée. A cet égard, les industriels japonais sont les plus favorisés avec une part de 30% des charges accessoires au salaire horaire contre 103% en Italie où elles dépassent même le salaire brut.

En 1990, la Suisse s'est classée au deuxième rang des sites de production les plus chers en totalisant Fr. 31.54 de coûts de main-d'oeuvre par heure de travail. Si les salaires horaires y ont été les plus élevés (Fr. 20.95), les charges salariales accessoires n'en ont pas moins été nettement inférieures à celles de l'Allemagne. Elles se sont en effet établies à Fr. 10.58, soit un peu plus de 50% du salaire horaire moyen contre Fr. 14.98 (85%) en Allemagne (ouest). De très grandes disparités sont apparues au sein du futur marché communautaire. Alors que les industriels ouest-allemands ont déboursé en moyenne Fr. 32.51 pour une heure de travail, leurs homologues implantés au Portugal, site de production le plus avantageux de la CE, s'en sont tirés avec à peine Fr. 6.13.

Incidence des fluctuations des taux de change

Comparer les coûts de main-d'oeuvre sur une base instantanée conduit à des distorsions dues à leur conversion à des taux de change en vigueur sur le moment; dans l'optique d'une implantation, il s'agit de se fier à des paramètres valables à plus long terme, tels la parité des pouvoirs d'achat par exemple. Site de production le plus cher au monde au milieu des années 80 pour ce qui concerne le facteur travail, les Etats-Unis se sont retrouvés en 1990 au nombre des pays à faibles coûts de main-d'oeuvre, le dollar s'étant déprécié au bas mot de 43% par rapport au franc suisse en l'espace de cinq ans. Bénéficiant de la faiblesse de sa monnaie en 1989, la Suisse a pu pour sa part réduire son handicap concurrentiel après avoir connu entre 1986 et 1988 les coûts de main-d'oeuvre les plus élevés au plan international.

Les pays où les coûts de main-d'oeuvre ont subitement augmenté (sous l'effet de l'inflation principalement) ont souvent pu limiter la détérioration de leur compétitivité au niveau international en procédant à une dévaluation de leur monnaie. En Italie et en Grande-Bretagne notamment -- deux pays se caractérisant traditionnellement par des taux d'inflation relativement élevés -- les coûts de main-d'oeuvre ont haussé au plan national de respectivement 168% et 173% au cours des dix dernières années, soit pratiquement trois fois plus qu'en Suisse. La dépréciation de la lire et de la livre durant cette période a toutefois permis de combler largement ce désavantage concurrentiel.

Handicap concurrentiel atténué par une productivité élevée du travail

Indépendamment des coûts de main-d'oeuvre en termes nominaux, la productivité du travail -- production par personne occupée -- joue un rôle primordial dans la compétition internationale. Des coûts de main-d'oeuvre élevés pouvant en effet être compensés par un niveau élevé de productivité, un soin tout particulier doit être voué à ces deux facteurs dans l'évaluation à plus long terme des avantages liés à un site de production. Si l'augmentation de la productivité est supérieure à celle des coûts de main-d'oeuvre en termes réels, il en résulte une baisse du coût unitaire par heure ouvrée. Au cours des dix dernières années, ce sont les Etats-Unis qui se sont le mieux profilés sur ce plan: de 1980 à 1990, les coûts de main-d'oeuvre y ont diminué de 0,6% en termes réels par année alors que la productivité s'est accrue dans le même temps à un rythme annuel de 3,3%. Si la Grande-Bretagne a enregistré l'augmentation annuelle des coûts de main-d'oeuvre la plus forte des pays industrialisés (3,8%), elle n'en a pas moins réalisé des gains de productivité plus élevés (5,5%) - dus pour l'essentiel à des mesures de rationalisation prises dans l'industrie où l'emploi a reculé annuellement de 2,8% durant la période considérée. Le bilan est un peu moins réjouissant en Allemagne de l'Ouest où l'accroissement de la productivité n'a dépassé que de peu l'augmentation des coûts de main-d'oeuvre, de sorte que la diminution des coûts unitaires par heure ouvrée est restée inférieure à la moyenne. Un peu plus enviable est la situation du Japon où la progression en termes réels des coûts de main-d'oeuvre a été nettement plus faible que celle de la productivité, et ce malgré que le Japon ait été le seul pays à occuper davantage de personnes dans l'industrie en 1990 qu'en 1980. Derrière les Etats-Unis, le pays à avoir enregistré l'augmentation la plus faible des coûts réels de main-d'oeuvre a été l'Italie, elle-même suivie de la Suisse. S'agissant de l'amélioration de la productivité, la Suisse n'est parvenue qu'à se maintenir dans la moyenne internationale au cours des dernières années. L'Italie et la France n'ont pas réussi non plus à améliorer leur productivité de manière substantielle en dépit du nombre important de suppressions d'emplois survenues dans l'industrie.

Les coûts de main-d'oeuvre et la productivité constituent à n'en pas douter un critère de mesure important de la compétitivité sur le plan international. Toutefois, d'autres facteurs tels la stabilité politique, la paix sociale, le niveau des taux d'intérêt réels et la charge fiscale notamment doivent également être pris en considération. Preuve en est la Suisse qui, en dépit de coûts de main-d'oeuvre élevés, est parvenue jusqu'ici à soutenir la concurrence internationale grâce à des possibilités de refinancement plus avantageuses, des taux d'intérêt relativement plus bas et un niveau de formation plus élevé de sa main-d'oeuvre. Dans l'aménagement des structures de l'économie, il s'agira dès lors de vouer à l'avenir également une importance toute particulière à ces facteurs. Elisabeth Messner

Prévisions sur les rendements de l'écu

L'importance de l'unité de compte européenne écu croît constamment tant pour la gestion de fortunes que le financement d'entreprises. Les raisons de détenir cette monnaie vont de l'effet de diversification des placements en écus (réduction des risques d'intérêt et de change) à la possibilité d'investir indirectement sur des marchés très bien rémunérés mais manquant d'aisance (Espagne notamment). Compte tenu de cette évolution, le besoin de prévisions régulières sur les taux de l'écu augmente aussi. Il s'agit en l'occurrence, outre la qualité des prévisions, de garantir la cohérence avec les prévisions sur les taux d'intérêt pour les pays du SME. On y parvient, car les analyses présidant aux arbitrages impliquent une relation simple entre les taux de l'écu et le niveau pondéré des taux d'intérêt des pays du SME.

Un panier de monnaies nommé écu

L'écu (European currency unit) est l'unité monétaire de la Communauté européenne, définie comme panier des douze monnaies de la CE. Les montants en monnaie nationale par écu, applicables depuis septembre 1989, sont indiqués dans le tableau (colonne 1). La composition de l'écu est revue tous les cinq ans en fonction de la part de chaque pays de la CE au commerce intercommunautaire, du produit national et des réserves monétaires. Elle est alors révisée si nécessaire.

Le cours de l'écu en dollars américains (relation $US/ECU) correspond à la somme des montants de toutes les monnaies nationales qui sont converties en dollars américains. La contre-valeur exprimée en dollars de DM 0.6242 correspond à $US 0.3648 (cf. colonne 3) pour un cours DM/$US de 1.71. La somme de toutes les contre-valeurs en dollars donne le cours en dollars de l'écu, à savoir 1.2035 $US dans notre exemple. Ce procédé permet de déterminer le taux de change de l'écu vis-à-vis de n'importe quelle monnaie étrangère. Il suffit de remplacer, dans la colonne 2, les cours du dollar par le taux de change de la monnaie de référence désirée. L'écu est coté en permanence vis-à-vis des principales monnaies sur les marchés des changes.

Bien que les montants en monnaie nationale restent constants pour de longues périodes, la valeur extérieure de l'écu et le poids des monnaies du SME dans le panier fluctuent en fonction des taux de change du moment du fait des conversions indiquées. Par exemple, la part du mark allemand était de 30,31% au 21 mai 1991 (cf. colonne 4), et ce indépendamment de la monnaie de référence.

Repères pour les rendements de l'écu

Des indicateurs fiables de l'évolution des taux d'intérêt sont indispensables pour les analyses de performance et les prévisions. Le taux des europlacements à trois mois est un indicateur apprécié pour le rendement du court terme. En ce qui concerne le long terme, cela pose certains problèmes du fait que le marché des capitaux de l'écu manque d'homogénéité. Nous utilisons l'obligation 10 3/4% de l'Etat italien comme référence du rendement du marché des capitaux pour nos prévisions, parce que ce titre arrive à échéance en l'an 2000, qu'il a un excellent rating et est bien négociable. Sa durée résiduelle diminuant constamment, l'obligation de référence doit être remplacée régulièrement - par exemple tous les ans -, afin de garantir une durée relativement constante de l'emprunt considéré. Dans le cadre de cette étude, nous recourons à une autre série chronologique, car l'obligation de référencere susmentionnée n'a été émise qu'en avril 1990.

Rendement théorique de l'écu

Les séries chronologiques pour l'écu ne remontant pas suffisamment dans le temps, les modèles économétriques s'avèrent pour le moment inadéquats. C'est pourquoi le biais de la prévision des taux d'intérêt dans les pays du SME avec constitution subséquente d'une moyenne reste la démarche habituelle. Le calcul d'une simple moyenne pondérée des taux d'intérêt du SME n'est toutefois pas à recommander pour deux raisons: la structure effective des placements en écus n'est pas correctement reproduite et il en résulte, en outre, des chiffres systématiquement surévalués. Le rendement de l'écu se laisse beaucoup mieux cerner au moyen d'un portefeuille d'obligations en monnaies du SME.

Constitution d'un portefeuille simulation

La constitution d'un portefeuille ne renfermant que des obligations en monnaies du SME permet de reproduire les caractéristiques d'une obligation en écus. L'idée de base consiste à détenir dans le portefeuille des obligations de chacune des monnaies du SME en fonction de leur part dans le panier de l'écu. Par exemple, l'obligation en marks dans le tableau vaut DM 44.68 (cf. colonnes 5 et 6), pour un intérêt servi de 8,39% et une durée de dix ans. Compte tenu de la part du mark de 30,31 dans le panier de l'écu, cela donne une position DM de 44,68 x 30,31 = ECU 13.54 dans le portefeuille. La somme de toutes les positions des obligations en monnaies du SME s'élève à ECU 40.87 (cf. colonne 7). Le portefeuille simulation promet un remboursement de ECU 100.- à l'échéance. Comme il présente la structure de remboursement d'une obligation en écus à coupon zéro ayant une valeur nominale de ECU 100 et une durée de dix ans, 40.87 est en même temps le prix théorique de cette obligation en écus.

Il ressort des analyses que le portefeuille doit se rapprocher au plus près des prix effectifs des obligations en écus. Si le prix d'une obligation en écus négociée était inférieur à la valeur du portefeuille, on pourrait réaliser sans risque des gains d'arbitrage au moyen d'un achat à terme dans cette obligation et parallèlement une vente dans le portefeuille simulation. La même chose serait valable, mais évidemment avec des signes contraires, si le prix de l'obligation en écus négociée était supérieur à la valeur du portefeuille.

Relation d'arbitrage entre rendements de l'écu et des monnaies du SME

L'analyse précédente se réfère au rapport de prix des placements en écus et en monnaies du SME. Il est possible d'en déduire une relation analogue pour les rendements de ces placements. Le rendement théorique en écus ne correspond toutefois pas à la simple moyenne pondérée des rendements du SME, car cette manière de procéder conduit trop systématiquement à des distorsions d'évaluation. Le tableau est à ce sujet explicite: le rendement de notre obligation notionnelle (synthétique) en écus (= rendement du portefeuille simulation) s'élève à 9,36% et avoisine ainsi de près le rendement du titre de référence (emprunt 10 3/4% de l'Etat italien 1990-2000). En revanche, la simple moyenne pondérée de 9,47% fournirait une approximation relativement mauvaise.

La valeur approximative de cette relation est indiquée dans le graphique au moyen des obligations en écus pour la période de janvier 1987 à avril 1991. La corrélation est très étroite entre les rendements observés et calculés en théorie pour les obligations en écus. C'est pourquoi, la relation d'arbitrage en découlant permet une bonne approximation du taux. Le taux théorique du marché des capitaux est cependant systématiquement trop faible car basé sur le rendement des emprunts d'Etat. En outre, le rendement moyen observé des emprunts en écus renferme une prime servant à couvrir les solvabilités médiocres, du fait que nombre de débiteurs ne peuvent se prévaloir de la garantie de l'Etat.

Modèle des "quatre monnaies" pour les prévisions des taux sur l'écu

Si nous voulons prévoir le rendement de l'écu en fin d'année, nous inscrivons les rendements attendus des monnaies du SME pour fin 1991 dans la colonne 5 et obtenons le taux correspondant de l'écu. Ce procédé est relativement laborieux, car il faut d'abord prévoir les douze taux d'intérêt des pays du SME. En nous limitant aux marchés les plus fluides du SME (mark allemand, livre sterling, franc français, florin), on couvre toutefois 70% de la valeur de l'écu. Cette méthode est valable à condition de re-calculer les nouveaux poids de l'écu pour le "modèle des quatre monnaies" à partir des pondérations monétaires dans le panier. Les monnaies très bien rémunérées étant exclues du portefeuille, notre "modèle des quatre monnaies" est assorti d'un rendement plus faible. L'écart des rendements de l'écu par rapport aux "rendements des quatre monnaies" ressort du graphique. L'écart avec les obligations demeure relativement constant. Cette relation est facile d'application du fait que seules quatre valeurs sont à prévoir pour déduire le rendement théorique de l'écu. En outre, l'écart mentionné est ajouté afin de conserver un rendement de l'écu qui soit cohérent avec les prévisions de taux pour les placements en monnaies du SME.

Conclusion

Les poids du "modèle des quatre monnaies" s'avèrent stables. On peut donc renoncer à des ajustements relativement fréquents des pondérations monétaires, ne serait-ce que parce que les monnaies du SME ont beaucoup gagné en stabilité. Un rythme d'ajustement trimestriel devrait suffire. Par contre, une repondération est indispensable en cas d'adhésion de nouveaux pays de la CE au SME ou d'ajustement des taux directeurs. Le modèle théorique est utile dans ce genre de situations, parce qu'il permet d'analyser l'incidence des variations de certaines composantes du SME sur le rendement de l'écu. En temps normal, la "relation des quatre monnaies" offre cependant une solution qualitative suffisante pour déduire les prévisions des taux de l'écu. Dominique Salamin

Cet article est une version abrégée d'une étude parue en allemand dans "VOWI-Standpunkt", No 51. Elle est disponible à l'adresse suivante:

Union de Banques Suisses, département Economie politique, case postale, 8021 Zurich, tél. (01) 234 49 22.

Opérer de manière sélective

Le comportement d'une Bourse dérive essentiellement des perspectives conjoncturelles attribuées à l'économie du pays. Or, l'évolution de l'économie des différents pays est aussi divergente que les perspectives des branches: alors que certains marchés offrent des opportunités d'achat, les autres ne suscitent vraiment pas l'intérêt. Aux Etats-Unis , plusieurs indicateurs sont à nouveau orientés à la hausse. Une nouvelle décrue des taux d'intérêt y est cependant improbable, la Réserve fédérale estimant que, loin de s'imposer pour des questions conjoncturelles, un assouplissement de l'approvisionnement en liquidités n'aurait pour effet que d'accentuer la menace inflationniste. Le marché américain des actions est surcapitalisé; il n'y a donc aucune hâte à s'engager dans des titres cycliques. On continuera de privilégier des valeurs solides présentant une bonne croissance bénéficiaire.

L'économie britannique sortira de sa récession actuelle au cours du second semestre. En effet, la bonne tenue du dollar est un véritable baume pour les comptes des pertes et profits des entreprises du pays. On prévoit d'ailleurs que l'inflation reviendra à 6% vers le milieu de l'année, ce qui a d'ores et déjà permis à la Banque d'Angleterre de baisser son taux de base à plusieurs reprises. Toutefois, tant qu'aucun signe tangible ne sera venu confirmer la reprise économique, la Bourse continuera à évoluer latéralement. Maintenant que les investisseurs sont sortis de leur retraite, les titres d'entreprises affichant un chiffre d'affaires et des bénéfices en hausse se démarqueront des autres par des plus-values substantielles. L'industrie des biens d'équipement et les valeurs de qualité liées au dollar, surtout, devraient éveiller l'intérêt.

En Suisse aussi, les stimulants conjoncturels ont perdu de leur vigueur; ils devraient cependant sortir de leur léthargie vers la fin de l'été. Le plafonnement du taux d'inflation à 6% incite la Banque nationale à maintenir un cours restrictif et lui fait exclure toute baisse significative des taux pour le moment. Après avoir enregistré un sommet annuel en mai, la Bourse de Zurich peut être considérée comme correctement capitalisée; elle devrait désormais s'orienter vers la consolidation. Un raffermissement du billet vert stimulerait avant tout les valeurs de branches non cycliques à vocation exportatrice (telles que la pharmacie ou l'alimentation); un recul des taux d'intérêt redonnerait de l'élan aux actions, notamment des banques et des assurances.

L'économie allemande traverse une phase de ralentissement de la demande intérieure et de fléchissement des exportations. Mais la Bundesbank a écarté l'idée d'une détente des taux. Bien que le redressement du dollar améliore les perspectives des entreprises, leurs bénéfices ne s'amélioreront guère en 1991. En effet, un revirement de tendance ne pourrait s'opérer que sous l'effet de nouveaux facteurs fondamentaux comme un redressement conjoncturel dans les pays importateurs ou des taux d'inflation plus bas. Le record annuel de l'indice DAX a résulté de la demande des investisseurs étrangers qui estimaient que Francfort avait pris du retard sur les autres Bourses. Du point de vue historique et comparativement au marché obligataire, la Bourse allemande est cependant fortement capitalisée. On profitera de réactions en baisse pour constituer des positions en valeurs de qualité (services publics, banques, assurances).

A l'instar de l'Allemagne, le Japon connaît une légère baisse de régime. Mais la part élevée des investissements au PNB enregistrée l'an dernier augure d'une croissance supérieure à la moyenne pour les années 90, même si, actuellement, l'économie nippone se tasse un peu. L'allégement de la pression inflationniste, allié à la détente des taux attendue, va renforcer l'attrait du marché des actions, actuellement dans une période de calme plat. On attend, pour la mi-août, un geste de la Banque du Japon susceptible de déclencher une hausse des cours. A notre avis, tout portefeuille international devrait contenir environ 10% d'actions japonaises, de préférence des secteurs technologie, construction et automatisation industrielle. S. Mehlisch

Tendance baissière persistante des taux d'intérêt

La tendance baissière de la plupart des taux d'intérêt et des rendements sur les marchés financiers internationaux, observée depuis le début de cette année, s'est poursuivie au printemps. Les fluctuations ont néanmoins été moins amples que précédemment, sauf lorsqu'elles ont été favorisées par l'abaissement officiel de taux directeurs. Cela a été nécessaire pour stimuler la conjoncture notamment aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, pays frappés par la récession, alors que des mesures analogues des banques centrales d'Italie et d'Espagne étaient surtout dues à des raisons de change. Bien que la politique monétaire n'ait pas été assouplie, les taux d'intérêt en Suisse se sont eux aussi repliés, suivant la tendance générale.

Abaissement des taux directeurs pour lutter contre la récession

Le 30 avril 1991, la Réserve fédérale a ramené le taux d'escompte d'un demi-point à 5 1/2% et réduit d'un nouveau quart de point le taux des fonds fédéraux, important pour le refinancement des banques. Cet assouplissement était conforme à la position du gouvernement américain qui, lors de la réunion des ministres des finances et des chefs des banques centrales du G7, avait demandé en vain un abaissement des taux d'intérêt concerté sur le plan international. Il n'en demeure pas moins que le marché a été surpris, étant donné que le Fed s'était précédemment montré plutôt réservé et qu'on notait les signes d'une reprise imminente de la conjoncture. Par ailleurs, on commençait à mettre en doute l'indépendance de la Réserve fédérale. Les données publiées par la suite sur l'inflation et qui en confirmaient le ralentissement n'ont cependant pas fait regretter l'assouplissement qui venait d'avoir lieu. Ayant pu se refinancer plus avantageusement à court terme, les banques commerciales en ont fait bénéficier leur clientèle de crédit sous la forme d'un taux débiteur de base inférieur, tandis que le niveau des rendements sur le marché obligataire américain est demeuré pratiquement inchangé en dépit de quelques écarts passagers.

A la mi-avril déjà, puis le 24 mai, la Banque d'Angleterre a révisé sa politique de taux d'intérêt en faveur de l'économie britannique elle aussi plongée dans la récession, en abaissant le taux d'intervention sur le marché de l'argent d'un demi-point dans les deux cas. Ici également, les banques lui ont emboîté le pas en ramenant le taux d'intérêt de base à 11 1/2/%, tandis que le marché obligataire, pour sa part, ne réagissait guère. Le net ralentissement de la montée des prix, constaté en mai, était dû en premier lieu à un effet de base statistique et avait été escompté par le marché depuis un certain temps.

Attentisme au Japon

Une forte opposition à une réduction des taux directeurs concertée sur le plan international a surtout été observée en Allemagne et au Japon. Ces deux pays ne sont en effet qu'au début d'une phase de ralentissement conjoncturel et sont donc intéressés, dans l'immédiat, à des taux d'intérêt élevés. Au Japon, les conditions s'améliorent cependant pour un abaissement ne serait-ce que symbolique du taux d'escompte. Parallèlement au tassement de l'économie, le renchérissement semble avoir atteint son point culminant et, simultanément, la croissance de la masse monétaire s'est notablement ralentie. Même si elle a relevé à plusieurs reprises la nécessité de réduire encore l'excédent monétaire, la Banque du Japon a néanmoins toléré une baisse du taux de l'argent au jour le jour au-dessous de 8%. Quant au rendement des emprunts d'Etat en mai, il est demeuré particulièrement stable, comme en avril, soit à 6,6%.

Nivellement des taux en Europe

En Allemagne, la question d'un assouplissement de la politique monétaire ne s'est pas encore posée. Sur le marché, on s'attendait même passagèrement à un nouveau relèvement du taux directeur pour soutenir le mark et favoriser les importations de capitaux. Même après l'annonce du remplacement du président de la Bundesbank, M. Pöhl, par le vice-président actuel, M. Schlesinger, la politique autonome et pour l'instant restrictive de la Bundesbank ne devrait en rien se modifier. Alors que les banques centrales d'Italie et d'Espagne ont pu réduire leurs taux directeurs en raison de la bonne tenue de leurs monnaies au sein du SME, il n'en a pas été de même de la Banque de France. Du fait de ces mouvements opposés, la CE a fait un pas de plus vers des taux plus uniformes, même s'il ne pourrait s'agir que d'un phénomène passager. Quant au marché financier suédois, il a réagi avec euphorie, par une baisse des taux, à la décision de la banque centrale d'aligner la valeur extérieure de la couronne sur l'écu.

Légère détente sur le marché du franc

Sur le marché des placements à court terme en francs, dont les taux avaient encore évolué en dents de scie en avril, le niveau de l'intérêt a commencé à baisser en mai. En ce qui concerne les dépôts à trois mois en eurofrancs, la diminution a été d'un demi-point à peine. La rémunération des dépôts à terme des banques a elle aussi régressé dans la même mesure, tandis que le rendement des créances comptables de la Confédération a nettement moins reculé.

Le fait que le taux de l'argent au jour le jour ait subi les fluctuations les plus fortes - chute passagère à 6 1/2% puis remontée à 8% -, tout en demeurant lui aussi légèrement inférieur en fin de compte à son niveau précédent, ne permet pas de conclure que la Banque nationale assouplira sa politique monétaire. Cela ne devrait être le cas qu'au second semestre de cette année, d'autant plus que les prévisions concernant l'inflation sont relativement bonnes. La Banque nationale est également d'avis que la conjoncture doit se ralentir plus sensiblement pour juguler le renchérissement intérieur. La politique monétaire ne sera par conséquent assouplie qu'ultérieurement et dans une mesure moins prononcée que ce qu'on admettait jusqu'ici. La détente intervenue dans l'intervalle sur le marché était due pour l'essentiel à l'interdépendance des taux d'intérêt sur le plan international et était éventuellement favorisée par une demande de liquidités moindre de la part des banques, vu la croissance modérée des crédits pour des raisons conjoncturelles.

Optimisme sur le marché des capitaux

Les rendements sur le marché obligataire suisse ont continué de baisser, mais à un rythme un peu moins soutenu. Le rendement moyen des emprunts de la Confédération s'était déjà réduit à 6% en avril; après une reprise temporaire, il a encore diminué, soit à 5,79%, niveau le plus bas depuis le début de 1990. Comparativement aux principaux marchés nationaux des capitaux, le marché suisse s'est par conséquent montré le plus optimiste en ce qui concerne l'évolution des taux d'intérêt à long terme. Le potentiel de baisse semble, ici aussi, plus grand que sur les places étrangères où - surtout aux Etats-Unis - les taux pourraient même se ressaisir, compte tenu de la ranimation prévue de la conjoncture. Un retour aux faibles rendements des emprunts en francs suisses, usuels il y a peu d'années encore, est cependant très improbable en raison des mouvements internationaux de capitaux. La lente diminution de la rémunération des placements à court terme s'oppose également à une telle évolution.

Après les très nombreuses émissions du début de l'année, le marché primaire s'est apaisé. Consécutivement à la clôture de quelques émissions bancaires, le calme plat a affecté en mai les emprunts suisses surtout, dont le volume des quatre premiers mois avait encore dépassé de 19% celui de la période comparable de 1990. Quant aux nouveaux emprunts en francs suisses de débiteurs étrangers peu nombreux eux aussi, ils concernaient en premier lieu des placements privés, dont de nombreux japonais une nouvelle fois. C. Frey

Marché des changes

Evolution en dents de scie

Les divergences sur la politique des taux d'intérêt, dans le contexte d'évolutions conjoncturelles déphasées entre les principaux pays industrialisés, ont exercé une influence prépondérante sur le marché des changes. L'insistance de Washington pour que l'Allemagne et le Japon lâchent la bride en ce qui concerne la politique de crédit n'ayant rencontré aucun écho, le communiqué publié après la rencontre du G7 de fin avril n'a fait aucune mention du niveau exagéré du dollar. En mai, le marché a connu un apaisement notable, succédant à une période de fluctuations inhabituellement fortes des relations de change. Par conséquent, les banques centrales, qui s'étaient signalées par des ventes de dollars, n'ont plus vu matière à intervenir après l'assouplissement effectué par la Réserve fédérale. Les facteurs suivants ont influé tour à tour sur le comportement des opérateurs: les problèmes de santé de M. Bush, la démission du président de la Bundesbank, M. Pöhl, le nouveau gouvernement en France, les abaissements des taux en Grande-Bretagne, Italie, Espagne, Suède, au Danemark et en Australie, de même que la décision unilatérale de la Suède de lier la couronne à l'écu. Le souhait exprimé par le gouverneur de la banque centrale australienne de dévaluer sa monnaie de 5% a également retenu l'attention.

Le dollar à son sommet de treize mois

Le dollar a évolué comme suit: Fr. 1.4130 le 5 avril, Fr. 1.4050 le 11, Fr. 1.5025 le 29, Fr. 1.4245 le 15 mai, Fr. 1.4800 le 31. Il n'a été touché que temporairement par la perte, en deux mois à peine, de près d'un demi-million d'emplois aux Etats-Unis. La perspective d'une réduction des taux ne l'a pas non plus affecté, le marché ayant estimé qu'un desserrement du carcan monétaire ne pourrait qu'accélérer le retournement conjoncturel qui se dessine aux USA. Cet optimisme n'ayant pu être démonté par des chiffres peu reluisants sur l'activité économique, le dollar a encore gagné du terrain, forçant les banques centrales à intervenir à nouveau. Le billet vert s'est même envolé après l'absence de déclarations sur sa valeur extérieure à la réunion du G7. Au début mai, la monnaie américaine a amorcé une descente consécutive à la réduction du taux d'escompte américain, perçue par le marché comme une mesure "politique". La maladie du président Bush a aussi eu un léger impact sur le dollar. Le billet vert ne s'est finalement repris qu'à la suite de couvertures massives de positions en dollars au lendemain de la décision unilatérale du gouvernement suédois de lier la couronne à l'écu ainsi que de signes d'amélioration de la conjoncture.

Le mark montre des faiblesses

Le mark cotait 1.6760 par dollar le 5 avril, 1.6885 le 10, 1.7825 le 29 et 1.7325 le 31 mai. Par rapport au franc suisse, il se négociait à Fr. 84.31 le 5 avril, 85.47 le 18, 83.42 le 23 et 85.43 le 31 mai. En avril, le mark n'a été freiné que provisoirement dans sa baisse par l'augmentation décrétée par la Bundesbank du taux pour les mises en pension, de 8,5% à 8,6%, et par la perspective de la poursuite d'une politique monétaire restrictive. Outre le scepticisme affiché dans l'appréciation des données économiques de base, la défaite électorale de la CDU en Rhénanie-Westphalie et les rumeurs précédant la démission du président de la Bundesbank, M. Pöhl, ont également entamé la cote du mark. Par la suite, le marché estimant que la monnaie allemande avait été par trop négligée, celle-ci a repris du terrain, en relation avec les baisses des taux aux USA et en Europe. Au sein du SME, le mark a également profité du fléchissement du franc français, induit par des doutes quant au maintien de la politique économique actuelle de l'Hexagone.

Le yen gagne des points

Le yen s'échangeait à 136.25 par dollar le 5 avril, 134.40 le 16, 139.45 le 22 et 138.25 le 31 mai. Les espoirs d'un prochain assouplissement de la politique monétaire nippone ont été nourris par la publication au printemps des données conjoncturelles du Japon. L'expansion de la masse monétaire, qui était encore de 13,2% en mai 1990, s'est réduite à 3,7%. Par ailleurs, les premières estimations sur la croissance en termes réels du produit national brut, qui devrait s'être accélérée lors du premier trimestre 1991, confirme la justesse d'une politique monétaire prudente. La poussée du yen par rapport à toutes les monnaies sauf les monnaies de la zone dollar est due, outre à l'augmentation de l'excédent commercial, à la fermeté de la position des autorités monétaires ainsi qu'à la mauvaise humeur manifestée à plusieurs reprises par des représentants du gouvernement à propos du cours élevé du billet vert. Le yen a ainsi grimpé à fin avril à son maximum sur douze mois de Fr. 1.08. Le regain de rumeurs quant à un abaissement du taux d'escompte a par la suite provisoirement amené une correction à Fr.1.05.

La livre résiste bien

La livre cotait $ 1.7790 le 5 avril, $ 1.7980 le 10, $ 1.6650 le 29 et $ 1.7020 le 31 mai. La monnaie britannique a profité des revers du mark sur une longue période. A la mi-avril, la livre a atteint pour la première fois depuis son entrée dans le SME (octobre 1990) la barre des DM 3.00 - et ce en dépit de la réduction du taux de base de 12 1/2 à 12% - avant de gagner du terrain. Par la suite, la livre a été en mesure de digérer, grâce au différentiel d'intérêt en sa faveur, l'annonce de cuisantes défaites du parti conservateur aux élections communales et lors d'une réélection au pays de Galles ainsi qu'un nouvel abaissement du taux de base à 11 1/5%. H. Theiler

Climat d'incertitude

La marasme régnant depuis longtemps sur le marché a subsisté en avril et en mai, les cours évoluant dans une étroite fourchette. En avril, l'or a oscillé entre $ 351.50 et $ 364 l'once, la marge de fluctuation se rétrécissant entre $ 354.50 et $ 361.50 l'once en mai. Durant ce dernier mois, l'argent s'est quelque peu affermi. Le plafond est demeuré à $ 4.11 l'once comme en avril et le plancher à $ 3.98 l'once contre $ 3.91 l'once en comparaison mensuelle. En mai, contrairement à avril, les prix sont cependant le plus souvent demeurés au-dessus des $ 4 l'once. Quant au platine, il s'est également montré assez stable et a même légèrement faibli. Depuis le 10 avril, il est constamment resté au-dessous des $ 400 l'once.

Les raisons de cette léthargie sont multiples. Conséquence d'une inflation largement contenue depuis des années, le métal jaune ne joue plus son rôle de valeur refuge. En outre, considérés à long terme, les taux d'intérêt (réels), sont toujours relativement très élevés. Ensuite, les séquelles financières de la guerre du Golfe pèsent encore lourdement sur la demande du Proche et du Moyen-Orient. Par ailleurs, le peu d'attractivité des places de négoce émousse l'intérêt spéculatif des investisseurs pour les métaux précieux. La demande dépend donc essentiellement des besoins de la bijouterie et d'autres industries transformatrices. Ajoutons encore qu'en dépit de prix comprimés, la production, d'or notamment, ne cesse d'augmenter car l'exportation du métal représente une source substantielle de devises pour certains pays. C'est pourquoi les variations de cours se réduisent à l'influence momentanée des mouvements du dollar, aux données essentielles sur l'évolution de l'économie aux Etats-Unis (taux de chômage, commerce extérieur), à la politique des taux d'intérêt des banques centrales ou aux grèves et autres perturbations affectant le travail dans les mines des principaux producteurs. Dès que le cours du métal jaune avoisine les $ 360 l'once, il suscite une offre accrue des extracteurs, alors qu'à l'opposé, la demande physique des manufacturiers empêche un glissement au-dessous des $ 350 l'once.

Le 31 mai, l'or a clôturé à $ 360.50 l'once, l'argent à $ 4.15 l'once et le platine à $ 376 l'once. W. Beckmann