Notices économiques UBS Août/Septembre 1989
L'Ecu et le panier monétaire
Le 21 septembre 1989, la peseta espagnole et l'escudo portugais seront intégrés dans la composition de l'Ecu. Ainsi, les monnaies des douze Etats membres de la CE seront toutes représentées dans l'unité monétaire européenne (European Currency Unit, Ecu). Alors que l'élargissement du panier ne devrait guère modifier la valeur extérieure de l'Ecu, à court terme du moins, il est probable qu'il entraînera une hausse de sa rémunération.
La monnaie de compte de la Communauté européenne, l'Ecu, assume une fonction centrale dans le Système monétaire européen (SME). Elle constitue un dénominateur commun dans le mécanisme des taux de change, une base d'établissement d'un indicateur de divergence, une référence pour toutes les opérations d'intervention ou de crédit et un instrument pour le règlement des soldes entre les autorités monétaires de la Communauté européenne. Du point de vue technique, l'Ecu représentera, à partir du 21 septembre 1989, c'est-à-dire après l'incorporation de la peseta espagnole et de l'escudo portugais, un panier composé des douze monnaies de la CE.
L'Ecu, une unité monétaire artificielle
Le calcul de la contrealeur d'un Ecu en dollar est indiqué, à titre d'illustration dans le tableau 1, pour le jour de référence du 17 septembre 1984 (dernière révision de la composition de l'Ecu). La contre-valeur résulte de la somme des montants figurant dans la colonne 3. Ainsi, le 17 septembre 1984, un Ecu valait $US0.73016. En appliquant le principe présenté dans le tableau 1 pour calculer le cours de marché Ecu/$US, l'Ecu peut être converti en toutes les autres monnaies.
A l'origine, la pondération des diverses monnaies nationales dans le panier de l'Ecu était déterminée en fonction de la part au commerce intracommunautaire, de la part au produit national brut de la CE et de la quoteart au fonds de soutien monétaire à court terme du SME. La CE a en revanche renoncé à fixer de façon précise le mode de calcul des montants en devises. Il s'est avéré néanmoins que ces apports en devises évoluaient presque parallèlement aux parts des divers pays au produit national brut de la CE et du commerce intracommunautaire. De tels calculs confirment également le point de vue que les pays à monnaie forte (p.ex. l'Allemagne fédérale et les Pays-Bas) étaient représentés trop fortement dans le panier de l'Ecu. La CE vise toutefois par là à affermir la confiance des investisseurs envers la stabilité de l'Ecu.
Révisions périodiques
Le panier des monnaies fait l'objet de révisions périodiques. Les raisons en sont les distorsions de la pondération résultant de variations des relations de change et de l'adoption de nouvelles monnaies dans le SME.
Le dernier réalignement monétaire a eu lieu en 1984. La révision du panier avait été rendue nécessaire par l'intégration de la drachme grecque et les changements intervenus dans l'importance relative des diverses monnaies. Ainsi qu'il ressort du tableau 2 (colonnes 1 et 2), les montants des monnaies comparativement fortes ont été réduits, tandis que ceux des monnaies relativement faibles ont été augmentés lors de la révision en 1984. Ainsi, la part du mark allemand, en tant que monnaie principale au sein du SME, a été ramenée à 32% de la valeur de l'Ecu (cf. tableau 1), après avoir grimpé à 37% depuis l'instauration du SME, consécutivement à plusieurs revalorisations. Les appréciations et dépréciations intervenues depuis lors ont à nouveau modifié le poids des monnaies dans le panier (cf. graphique 1). Sur la base des cours pivots dans le SME, le poids du mark allemand dans la composition de l'Ecu est actuellement de 34,9%, celui du franc français de 19% et celui de la livre sterling de 11,9%.
Le 16 juin 1989, les ministres des Finances des Douze ont fixé les nouvelles pondérations de départ des monnaies dans le panier de l'Ecu pour la période allant de septembre 1989 à septembre 1994 probablement (cf. tableau 1, dernière colonne). Lors de cette deuxième révision depuis l'entrée en vigueur du SME, la peseta espagnole et l'escudo portugais seront incorporés dans le panier. La nouvelle pondération sera appliquée à partir du 21 septembre 1989. Les taux de change valables la veille seront déterminants pour le calcul des montants des diverses monnaies nationales. Si les monnaies ibériques avaient été intégrées dans le panier des monnaies le 30 juin 1989 déjà, et en admettant une valeur inchangée de l'Ecu, les montants des monnaies auraient été ceux figurant au tableau 2 (colonne 3).
Incidence sur la stabilité de l'Ecu
Une révision du panier des monnaies a une incidence directe, à ce moment-là, sur la contre-valeur de l'Ecu. Car les montants des monnaies sont chaque fois fixés de telle sorte que le cours de l'Ecu demeure inchangé, à court terme du moins. Avec le temps, la révision du panier influence néanmoins l'évolution des cours de l'Ecu. Une comparaison de l'évolution effective du cours Ecu/$US avec l'évolution hypothétique du cours fondé sur la composition originale du panier de 1977 (sans la drachme) prouve toutefois que la révision du panier, en 1984, n'a influencé le cours de l'Ecu qu'à moyen terme. Le cours effectif Ecu/$US est actuellement inférieur de 1,4% environ à celui qui aurait été le sien si la drachme grecque n'avait pas été incorporée dans le panier en 1984.
L'intégration des monnaies comparativement faibles que sont la peseta et l'escudo, en septembre 1989, pourrait cependant avoir une incidence notablement plus forte sur la valeur de l'Ecu que ne l'a eue la drachme grecque jusqu'ici. La part de 7,1% de l'Espagne au produit national brut de la CE (1988) et de 4% au commerce intracommunautaire donne à la peseta un taux de pondération de 5,3% dans le panier des monnaies. Par l'admission de l'Espagne et du Portugal, la part des monnaies fortes (mark allemand et florin) dans le panier recule toutefois de 45,9 à 39,5%. L'évolution future du cours de l'Ecu dépendra donc fortement de la mesure dans laquelle la politique économique de l'Espagne respectera la discipline communautaire. Si l'Espagne devait donner libre cours à l'inflation, le poids du facteur stabilisateur qu'est le mark allemand au sein du SME deviendrait encore plus lourd. La fermeté de la peseta dans le SME dépendra, pour sa part, de la mesure dans laquelle le gouvernement espagnol saura endiguer la nouvelle poussée inflationniste (6,9% en juin 1989), réduire le déficit budgétaire (1984-88: 5% du PIB), ainsi que l'important déficit de la balance commerciale.
Le comportement de l'escudo, quant à lui, sera déterminé de façon décisive du succès que remportera le Portugal dans ses efforts visant à enrayer l'inflation et combler les déficits budgétaires (1984-88: 9,3% du PIB). Bien que durant ces cinq dernières années, le Portugal ait pu ramener le renchérissement annuel de 27,8 à 9,4%, la hausse actuelle de 13% de l'indice des prix à la consommation est notablement supérieure à la moyenne de la CE.
Hausse relative des taux d'intérêt sur l'Ecu
L'intégration de monnaies faibles dans le panier provoque tendanciellement une tension des taux d'intérêt à court terme sur l'Ecu. L'ampleur de la hausse peut par exemple être calculée en fonction de la différence entre le taux d'intérêt effectif sur l'Ecu et un taux de référence "synthétique" calculé selon la pondération des monnaies avant l'adhésion de la Grèce. L'évolution de cette différence de taux n'a toutefois de valeur significative que s'il est établi que l'évolution du taux d'intérêt réel et du taux de référence avant la révision du panier est largement identique. Cette concordance est tendanciellement réalisée par des opérations d'arbitrage. En ce qui concerne les crédits libellés en Ecus, des écarts parfois notables entre les rendements sur le marché et la valeur théorique moyenne doivent cependant être escomptés.
La plus grande autonomie des rendements d'emprunts en Ecus tient au fait que des arbitrages sur le marché des obligations ne fonctionnent pas aussi facilement que pour des placements à court terme, en raison d'imperfections du marché (p.ex. du fait d'une liquidité insuffisante). Par ailleurs, il n'existe pas, pour toutes les monnaies du panier, des marchés obligataires bien développés. Des différences notables entre le taux effectif sur l'Ecu et le taux de référence synthétique peuvent surtout être constatées avant une révision du panier. Selon les changements escomptés dans la pondération de l'Ecu, des anticipations spéculatives quant aux décisions qui seront prises peuvent faire hausser ou baisser la rémunération de l'Ecu sans changement des variables fondamentales. Pour ces raisons, des estimations sur l'incidence des taux d'intérêt, consécutivement à une révision du panier, doivent être faites avec prudence.
Malgré ces restrictions, l'influence de l'admission de la drachme dans le panier des monnaies, en septembre 1984, sur le taux d'intérêt nominal et réel sur l'Ecu du court et du long terme peut être évaluée assez aisément. L'expérience a prouvé que, durant la période allant de janvier 1982 à juin 1984, le taux d'intérêt de référence calculé artificiellement et la rémunération effective des dépôts en Ecus en banque à trois mois ont eu pratiquement la même valeur moyenne (1% de probabilité d'erreur). Une comparaison entre le taux d'intérêt sur l'Ecu et le taux de référence ou théorique révèle qu'entre septembre 1984 et juin 1989, le taux effectif des Ecus à trois mois était supérieur en moyenne de 0,24 point de pourcentage au taux théorique. L'écart moyen entre les taux d'intérêt réels effectifs et le taux réel synthétique de l'Ecu se situe, pour la même période, à 0,39 point. 15 points de base doivent ainsi être attribués à l'inflation.
L'incidence sur le loyer de l'argent à court terme de l'inclusion des deux pays à taux d'intérêt élevé que sont l'Espagne et le Portugal devrait être notablement plus forte que lors de l'admission de la drachme dans le panier des monnaies. Nous escomptons que, dès septembre 1989, le taux d'intérêt effectif des Ecus à trois mois sera supérieur d'environ 85 points de base au taux de référence synthétique qui, lui, ne tient pas compte du niveau des taux et de l'inflation dans la péninsule ibérique. Cela revient à dire que le taux de référence prend en considération, cette fois-ci, tous les pays de la CE, à l'inclusion de l'Espagne et du Portugal.
Des calculs analogues ont été faits pour le rendement des placements à long terme en Ecus. Une sélection de données insuffisantes et les anticipations spéculatives sur la révision du panier ont toutefois rendu les conclusions très difficiles. Malgré tout, il semble que l'écart entre les rendements effectif et théorique de l'Ecu (sans l'Espagne et le Portugal) s'est creusé en permanence depuis 1987. En 1989, il a été en moyenne de 0,49 point. A partir de septembre, cet écart devrait s'élever à près d'un point si nous admettons la même hypothèse que pour les Ecus à trois mois. Il est bien entendu que le rendement des obligations en Ecus observé actuellement sur le marché ne va pas s'envoler subitement le 21 septembre 1989, car il s'adapte en permanence jusqu'à cette date, étant donné que l'admission de l'Espagne et du Portugal est escomptée. Après la date d'adhésion, l'appréciation probable des monnaies fortes du SME et leur poids croissant dans le panier auront pour effet que la montée des taux d'intérêt qui se sera opérée jusqueà, consécutivement à la révision du panier, sera partiellement corrigée en baisse.
Incidence des taux d'intérêt sur l'économie suisse
Depuis le milieu de 1988, la Banque nationale suisse a réduit son offre de monnaie, afin de comprimer le potentiel inflationniste créé au lendemain du krach d'octobre 1987 pour éviter une récession. De ce fait, les taux d'intérêt ont notablement haussé. Par le biais d'un ralentissement des investissements, des dépenses de consommation et des exportations, la poussée inflationniste intervenue entreemps devrait pouvoir être endiguée à moyen terme.
Politique monétaire visant à combattre l'inflation
Jusqu'à juin 1989, la rémunération des dépôts à court terme avait grimpé à 8% en Suisse. Ce niveau élevé avait été enregistré pour la dernière fois à fin 1981 et au début de 1982, lorsque fut pratiquée une politique monétaire restrictive analogue. Les taux d'intérêt du long terme ont, eux aussi, nettement haussé: le rendement des obligations de la Confédération a atteint temporairement 5,4% en juin, tandis que la rémunération des obligations de caisse à 3 ans montait à 5,5% et le taux des hypothèques en 1er rang à 6%.
Cette évolution du loyer de l'argent est la conséquence de la politique monétaire pratiquée par la Banque nationale depuis le milieu de 1988 pour assurer la stabilité des prix. En limitant la masse monétaire et par la tension des taux d'intérêt qui s'en est suivie, l'offre de monnaie, fortement accrue précédemment, devrait être réduite de telle sorte qu'elle corresponde à nouveau à la demande. En 1988, la quantité de monnaie offerte par le système des banques commerciales s'est accrue, elle aussi, du fait que les banques, consécutivement à l'assouplissement des prescriptions sur les liquidités et à l'introduction du système de virement électronique SIC disposent d'un plus grand potentiel de création monétaire. La demande de monnaie dépend de la quantité de biens produits et des services offerts, des habitudes de paiement et, notamment aussi, des taux d'intérêt nominaux et de l'inflation escomptée. Lorsque les taux d'intérêt sont élevés, la demande de monnaie se contracte, étant donné qu'il est plus avantageux de placer de l'argent contre rémunération que de le conserver en caisse sans intérêts. En cas d'anticipations inflationnistes accrues, l'incitation à conserver des liquidités diminue également, en raison de la perte de valeur. Par sa politique restrictive, la Banque nationale vise surtout à influencer la composante économique réelle de la demande de monnaie. Si elle parvient à adapter la croissance de la monnaie centrale à l'augmentation de la quantité de marchandises, les prix des biens et des services -- en admettant une vitesse constante de la circulation de la monnaie -- ne pourront pas hausser à long terme, faute de moyens de paiement.
Ralentissement des investissements
Une tension des taux d'intérêt influence en premier lieu les investissements. Ceuxi constituent des dépenses consacrées à des biens tels que des installations ou des constructions et qui ne seront profitables que dans un avenir plus ou moins rapproché. Les biens de consommation, en revanche, satisfont des besoins immédiats. La rentabilité d'un investissement dépend d'une part des coûts -- prix des biens d'investissement, intérêts sur le capital engagéet, d'autre part, des profits escomptés -- prix et quantités vendables des biens pouvant être produits. Un compte d'investissement a pour objet d'escompter, selon un coefficient déterminé, les futurs flux de capitaux et de choisir les projets susceptibles de produire les valeurs actuelles nettes les plus élevées. Si les taux d'intérêt augmentent, les valeurs actuelles nettes prévues se contractent, de sorte que le nombre de projets encore rentables (somme des investissements) diminue.
En Suisse, on constate empiriquement une corrélation négative entre les taux d'intérêt et les investissements. Dans nos estimations, nous avons pris comme paramètre, pour le taux d'intérêt, le rendement des obligations de la Confédération et trouvé une élasticité à long terme de 0,13 des investissements réels en constructions lors de variations des taux d'intérêt. Ainsi, si le taux d'intérêt du long terme augmente de 4,23 à 4,88%, soit de près de 15%, tel que ce fut le cas durant le premier trimestre 1989, la croissance des investissements réels devrait, pour cette seule raison et comparativement à des taux d'intérêt stables, être inférieure de près de 2% durant les deux années suivantes selon la comptabilité nationale. L'influence des autres éléments du compte d'investissement tels que les prix, les coûts et le volume de vente est admise comme étant constante (ceteris paribus) dans cette analyse isolée des conséquences des variations des taux d'intérêt.
En fait, cette influence sur la croissance des investissements est notablement plus forte que celle du loyer de l'argent, de sorte que des prévisions positives en matière de vente et de prix peuvent aisément surpasser l'incidence négative des taux d'intérêt. Le département Economie politique de l'UBS a, dans son enquête trimestrielle, interrogé quelque 200 entreprises industrielles sur l'influence des taux sur leurs plans d'investissement. 16% seulement des entreprises s'attendent à une incidence négative des taux d'intérêt actuellement élevés sur leurs investissements en 1990, les autres ne prévoyant pas de ralentissement. Dans la construction, en revanche, plus de la moitié des entrepreneurs prévoient qu'en 1990, les taux d'intérêt auront une incidence très négative sur le volume des constructions, dans le secteur des maisons individuelles notamment. Ces réponses ne sont que partiellement en contradiction avec l'étude empirique mentionnée plus haut, étant donné que, dans les réponses des entrepreneurs, il n'est pas tenu compte uniquement de l'incidence des taux, mais également de l'influence des bonnes prévisions de la demande et des autres variables déterminantes pour les investissements.
Frein à la consommation
La consommation ne dépend pas uniquement des revenus courants et de l'épargne, mais aussi de l'état de la fortune et des revenus prévisionnels. Des places de travail assurées et l'amélioration des perspectives salariales stimulent la consommation à l'heure actuelle déjà, étant donné que les revenus futurs constituent une garantie pour l'avenir. En période de tension des taux d'intérêt, les consommateurs ont tendance à moins dépenser dans l'immédiat, mais en revanche à épargner davantage en ne faisant ainsi que différer la consommation.
En Suisse, l'incidence négative des taux d'intérêt sur la consommation dure à peine une année. La retenue manifestée est alors suivie des effets positifs de cet ajournement. Le recul, à long terme, du taux de croissance de la consommation privée réelle, consécutivement à une hausse de 1% du rendement des obligations de la Confédération (p.ex. de 4 à 4,04%) sera, selon nos estimations, de 0,08%. L'augmentation du rendement des obligations de la Confédération, qui a passé de 4,23 à 4,88% durant le premier trimestre 1989, devrait, à elle seule, réduire de 1% environ le taux de croissance de la consommation privée. Mais ici également, l'influence des taux d'intérêt est notablement moindre que celle d'autres facteurs déterminants de la consommation tel que le revenu réel courant et prévisionnel.
Hausse du franc et recul des exportations
Les facteurs fondamentaux influençant le taux de change sont, entre autres, les différentiels de prix et d'intérêts. Les monnaies des pays à faible inflation et/ou à taux d'intérêt élevés ont tendance à s'apprécier. A long terme, lorsque la politique de la Banque nationale visant à combattre l'inflation aura atteint son objectif, l'écart plus favorable entre les taux d'inflation suisse et étrangers entraînera une revalorisation du franc selon la théorie de la parité des pouvoirs d'achat. A court terme, les taux d'intérêt élevés, dus à des considérations de politique monétaire, provoquent déjà un afflux de capitaux vers la Suisse, du fait que le franc est redevenu une monnaie de placement intéressante. Ainsi, l'accès de faiblesse du franc suisse pourra être surmonté pour faire place à une revalorisation.
L'expérience a prouvé que pour la Suisse, le différentiel d'intérêts et d'inflation par rapport à l'Allemagne fédérale joue un grand rôle, alors que l'incidence de la rémunération du dollar sur le cours du franc est comparativement plus faible. Si, au cours de ce processus, le franc s'apprécie davantage que ne le justifie l'écart entre les taux d'inflation -- s'il dépasse la normale--, il freine, avec un certain décalage, l'expansion des exportations suisses. Empiriquement, l'effet négatif de taux d'intérêt en hausse sur les exportations suisses n'est cependant pas garanti, vu qu'un modèle de taux de change satisfaisant n'existe pas jusqu'ici.
Finalement: décrue de l'inflation
Tous les effets mentionnés débouchent, par le biais des investissements, de la consommation et des exportations, sur un ralentissement de la demande de biens et de services et, partant, sur un tassement de la conjoncture en Suisse. L'offre précédemment insuffisante, cause de la hausse des prix, permettra alors à nouveau de satisfaire la demande en recul et la poussée des prix s'affaiblira. Le processus entier, allant de la contraction de l'offre de monnaie jusqu'à la maîtrise de l'inflation, dure à peu près deux bonnes années. Il existe cependant toujours le risque que des chocs venant de l'extérieur -- une récession à l'étranger par exemple -- et qui renforcent la compression de la demande souhaitée en principe ou que des poussées de prix à l'étranger -- majoration des prix pétroliers par exemple -- ne viennent contrecarrer les plans de l'institut d'émission.
Le succès final de cette politique anti-inflationniste doit toutefois, dans sa phase initiale, être paradoxalement assurée également par une résurgence temporaire du renchérissement. La raison réside dans la corrélation, controversée mais légalement sanctionnée, entre les taux hypothécaires, d'une part, et les loyers des logements et les prix agricoles, d'autre part. Etant donné qu'en cas de hausse prononcée et générale du loyer de l'argent, les taux hypothécaires ne peuvent eux non plus demeurer stables, il en résulte des charges supplémentaires pour les propriétaires fonciers, charges que ceuxi répercutent, partiellement du moins, sur les locataires. Un mécanisme analogue existe dans le secteur agricole. Il s'ensuit une hausse temporaire plus forte de l'indice national des prix à la consommation, dans lequel les loyers figurent pour 18%, ce qui, par le biais de la compensation du renchérissement, alourdit les charges salariales et peut déclencher ainsi une brève spirale des prix et des salaires. Le taux d'inflation en Suisse, qui est actuellement de 3%, grimpera par conséquent à 44,5% jusqu'à la fin de l'année pour demeurer à quelque 4% en moyenne en 1990. Des résultats tangibles de la politique monétaire restrictive actuelle ne se produiront que vers la fin de 1990 sur le front du renchérissement, donc avec le décalage de deux bonnes années, comme mentionné plus haut.
Chronique boursière
Actions suisses: les services, un secteur attrayant
Depuis le début de l'année, les Bourses internationales présentent des plusalues impressionnantes. La confiance semble donc être revenue après le krach, bien que d'aucuns prédisent une baisse substantielle des cours. Le marché continue cependant de faire preuve de bonnes dispositions. La prime risque -- soit le rendement supplémentaire demandé par rapport à celui des obligations d'Etat n'impliquant pratiquement aucun risque -- est adéquate. Le fait que les phases de consolidation soient suivies de fortes progressions des cours est normal et se produit lors de prises de bénéfices ou si d'importants opérateurs se tiennent à l'écart du marché.
Les titres bancaires et des assurances représentent plus d'un tiers du Swiss Performance Index et constituent, avec les titres de la chimie, les principaux supports de la Bourse. Favorisées par la tendance généralement favorable et les résultats étonnamment bons de cette année, les actions des banques sont sorties de leur léthargie. En dépit de cette situation, l'indice des bancaires n'a haussé depuis juin que dans les limites de l'indice du marché global. Il reste donc une grosse lacune à combler par rapport au début de cette année et, surtout, par rapport au début de 1988. La récente hausse des cours reflète pour l'instant insuffisamment l'amélioration des résultats. Si on a déjà noté une ranimation des opérations sur titres et sur devises, l'accroissement des crédits et la baisse à moyen terme des taux du marché de l'argent fourniront eux aussi des stimulants. Dans cet environnement, nous recommandons en premier lieu les valeurs des grands établissements à vocation internationale.
La volonté manifestée par les trois grandes banques d'être plus transparentes et leur capitalisation relativement modeste (P/E ratio, rendement, valeur intrinsèque) font que leurs titres dégagent un rapport chances/risques intéressant.
A retenir également les titres des assurances. Eu égard au futur marché unique de la CE, auquel les compagnies suisses auront elles aussi accès par la signature de la convention, ce secteur est susceptible de se développer notablement. Elles recherchent de nouveaux débouchés d'une part par le biais de reprises et, d'autre part, en resserrant les liens avec des partenaires fortement implantés sur le marché. Sous ce rapport, la politique d'expansion de Winterthur Assurances et de Zurich Assurances semblent particulièrement efficace; aussi les valeurs de ces compagnies, ainsi que de celles de la Compagnie Suisse de Réassurances continuentlles d'être favorisées par les investisseurs.
A retenir également manifestée par les trois grands banques d'être plus transparentes et leur capitalisation relativement modeste (P/E ratio, rendement, valeur intrinsèque) font que leurs titres dégagent un rapport chances/risques intéressant.
A retenir également les titres des assurances. Eu égard au futur marché unique de la CE, auquel les compagnies suisses auront elles aussi accès par la signature de la convention, ce secteur est susceptible de se développer notablement. Elles recherchent de nouveaux débouchés d'une part, en resserrant les liens avec des partenaires fortement implantés sur le marché. Sous ce rapport, la politique d'expansion de Winterthur Assurances et de Zurich Assurances semblent particulièrement efficace; aussi les valeurs de ces compagnies, ainsi que de celles de la Compagnie Suisse de Réassurances continuent-elles d'être favorisées par les investisseurs.
Marchés de l'argent et des capitaux
Taux d'intérêt toujours contradictoires
Durant les mois d'été, l'évolution des taux d'intérêt n'a pas été uniforme sur les marchés financiers tant sous l'aspect durée que géographique. Aux Etats-Unis notamment, les espoirs nourris initialement quant à un recul des frais financiers sous l'effet du ralentissement plus marqué de la conjoncture ont été par la suite réduits à néant compte tenu d'indicateurs économiques plus optimistes. Sur les autres places financières, les taux ont oscillé dans d'étroites limites, mais ils se sont finalement légèrement tendus. Mis à part les facteurs économiques fondamentaux, le raffermissement du dollar n'a pas manqué d'exercer une influence déterminante.
Etats-Unis: indicateurs conjoncturels douche écossaise
La plupart des scénarios conjoncturels prévoyaient encore en juillet que le recul de l'activité économique déboucherait sur une récession. Le renchérissement étant demeuré inférieur aux pronostics, qui étaient pessimistes, les taux d'intérêt se sont comprimés anticipant un assouplissement de la politique monétaire. De son côté, la Réserve fédérale a semblé prêter une attention accrue aux craintes d'une récession en ne réagissant pas contre le recul du loyer de l'argent. Début août, les banques commerciales ont ramené leur taux de base d'un demioint à 10 1/2%. Par la suite, une série d'indicateurs économiques favorables ont entraîné un changement d'opinion quant à l'évolution de la conjoncture et des taux d'intérêt. Ainsi tant sur les marchés de l'argent que des capitaux, les rendements ont progressé de 0,4 point environ.
Sur les autres places financières, l'orientation des taux a été largement autonome. Ainsi sous l'effet de perspectives conjoncturelles toujours bonnes et de taux du court terme pratiquement inchangés, les rendements ont légèrement haussé sur le marché obligataire en Allemagne fédérale. En Granderetagne en revanche, où les taux du court terme étaient également stables, le notable ralentissement de la croissance de l'activité économique a exercé une pression sur les rendements des obligations, avant que cette tendance n'eût été interrompue par la sensible détérioration de la balance commerciale. En juillet, un net recul des rendements des obligations a été observé au Japon malgré le boom persistant. Ce mouvement était imputable avant tout aux craintes moins vives d'une résurgence de l'inflation en raison de l'affermissement temporaire du yen.
Suisse: structure des taux toujours inversée
Le recul d'un demioint des taux du court terme sur le marché du franc déclenché par la baisse du loyer de l'argent aux Etatsnis et par la faiblesse temporaire du dollar a été quasiment compensé en août. De juillet à août, la rémunération des eurofrancs à trois mois s'est repliée de 7 3/8 à 6 7/8% pour progresser à nouveau à 7 1/4% en fin de mois. Les facteurs d'influence intérieurs n'ont pas particulièrement stimulé les taux. La persistance de la bonne conjoncture et les probabilités plus grandes d'une accélération de l'inflation, bien que les dernières prévisions soient moinspessimistes qu'il y a peu, ont incité la Banque nationale suisse à s'en tenir à sa politique restrictive. Les avoirs en comptes de virements des banques auprès de la BNS, qui servent de baromètre à sa politique des liquidités, ont oscillé de Fr. 3,5 milliards à Fr. 3,2 milliards durant les deux mois en suivant une orientation à la baisse.
Avec effet au 30 juin, les grandes banques ont supprimé l'Accord sur les dépôts à terme en francs suisses et fixent depuis lors individuellement les taux des dépôts à terme. En prenant cette mesure, elles suivaient une recommandation de la Commission des cartels, même si l'Accord ne faisait finalement que prendre en compte l'orientation des taux sur l'euromarché. Après s'être raidis initialement, les taux des dépôts à terme à l'UBS ont également reculé en général dans le sillage de la rémunération des eurofrancs à trois mois et se sont à nouveau tendus dès mioût. A la fin du mois d'août, le taux servi pour les dépôts jusqu'à trois mois de terme était de 6 3/4% et de 6 1/2% pour ceux de 4 à 12 mois.
Ainsi en Suisse, les taux du court terme sont demeurés sensiblement supérieurs aux rendements du marché obligataire, lesquels n'ont guère varié durant les mois d'été. Ce n'est que vers la fin août qu'une légère hausse est intervenue. Le secteur suisse du marché des capitaux a fait preuve de bonnes dispositions dans l'ensemble. Le rendement de 5,10% -- inférieur au rendement moyen des obligations de la Confédération -- du nouvel emprunt de la Confédération lancé par appel d'offres à mioût dont le montant a été augmenté à Fr. 285 millions illustre bien cette situation. Par ailleurs, l'orientation à la hausse de la Bourse a profité aux nombreux nouveaux emprunts à option. La traditionnelle pause des émissions n'ayant pas été entièrement respectée cet été sur le marché des débiteurs suisses, sa sollicitation par des emprunts a été relativement élevée: elle totalisait Fr. 1,2 milliard en juillet et Fr. 1,4 milliard en août. En revanche, l'activité est demeurée modérée pour les emprunts en francs de débiteurs étrangers et a concerné principalement des placements privés.
Métaux précieux
Légères fluctuations de cours
En juillet et en août, les marchés n'ont connu aucun mouvement important. En raison d'une inflation atténuée et de la fermeté du dollar, la demande spéculative d'or s'est presque tarie. La tendance à la faiblesse du métal jaune qui en est résulté a cependant stimulé des achats industriels, évitant ainsi de fortes oscillations de cours à la baisse. En juillet, l'or a d'abord été soutenu par la résurgence momentanée de craintes inflationnistes et une déficience passagère de la monnaie américaine, ainsi qu'ultérieurement par une déclaration de M. Greenspan devant le Congrès, affirmant que la Réserve fédérale ne négligera pas le danger de récession dans sa politique monétaire. Le mois d'août a été caractérisé par une absence d'incitations à la hausse. En outre, les pressions sur l'or se sont accrues du fait des résultats favorables du commerce extérieur et des signes positifs concernant l'évolution du renchérissement aux Etats-Unis, ainsi que, contre toute attente, du raffermissement du billet vert. Les autres métaux précieux n'ont guère pu se détacher de l'influence de l'or et se sont montrés également plus faibles.
Le 31 août, l'or a clôturé à $ 360 l'once, l'argent à $ 5.08 l'once et le platine à $ 472.50 l'once.
Marchés des changes
Evolution en dents de scie
Durant les mois d'été, la situation s'est nettement apaisée sur les marchés des changes. Les indicateurs contradictoires concernant la conjoncture américaine ont fait évoluer le dollar en dents de scie, les variations des dernières semaines ayant cependant été bien moins importantes qu'au cours des mois précédents. Le comportement des marchés a été influencé d'une part par l'incertitude régnant quant à l'économie des Etats-Unis et à la future politique monétaire de la Réserve fédérale et, d'autre part, par les troubles politiques au Japon.
Hauts et bas du dollar
La monnaie américaine a évolué comme suit: Fr. 1.6685 le 1er juillet, Fr. 1.5950 le 10, Fr. 1.6670 le 18, Fr. 1.5885 le 2 août, Fr. 1.7005 le 17 et Fr. 1.6875 le 31. Du fait qu'en juillet, de nombreux indicateurs annonçaient un sensible ralentissement de l'économie américaine, voire une récession, les marchés se sont mis à anticiper un assouplissement de la politique monétaire. Aussi an assisté à des ventes de dollars. Alors que la couverture de positions à court terme avait provoqué une reprise passagère, la devise américaine a subi un nouveau revers après la publication des résultats étonnamment mauvais de la balance commerciale en mai. La dépréciation du billet vert a encore été accélérée par les déclarations du président de la Réserve fédérale selon lesquelles les autorités monétaires américaines craignaient davantage une récession qu'une inflation. Au début d'août, on a noté un revirement de tendance et le billet vert s'est vivement redressé, les statistiques de l'emploi ayant été meilleures que prévu. Ce mouvement de hausse s'est poursuivi lorsque d'autres données conjoncturelles ont donné l'impression que l'économie américaine se trouvait désormais sur la voie de l'atterrissage en douceur. Par ailleurs, le fait que les banques centrales aient le plus souvent renoncé à des interventions a soutenu la monnaie américaine.
Pression politique sur le yen
Le yen s'échangeait à 143.75 par dollar le 1er juillet, à 138.40 le 7, à 142.90 le 18, à 135.95 le 2 août et à 144.55 le 31. En juillet, la progression de la devise nipponne a passagèrement été neutralisée par l'instablité politique au Japon. Les défaites électorales subies par le parti gouvernemental tant à Tokyo que sur le plan national (Sénat), ainsi que la démission du premier ministre Uno ont fait baisser le yen, en particulier par rapport aux monnaies autres que le dollar. En août, la monnaie nipponne s'est ressaisie consécutivement à des prises de bénéfice, mais elle a une nouvelle fois été distancée par un dollar généralement raffermi, et cela bien que la Banque du Japon soit intervenue.
Stabilité du mark
Le mark cotait 1.9475 par dollar le 1er juillet, 1.8475 le 2 août, et 1.9565 le 31. Par rapport au franc suisse, il se négociait à 85.67 pour cent unités le 1er juillet et à 86.25 le 31 août. Les retombées de la majoration des taux directeurs à la fin juin, les prévisions d'une diminution de la rémunération de la monnaie américaine et le regain d'intérêt des investisseurs étrangers pour les valeurs mobilières allemandes ont permis au mark de s'affermir notablement par rapport au dollar jusqu'au début d'août. Par la suite, on a assisté à une évolution inverse générée par l'affermissement du dollar et le limogeage du secrétaire de la CDU (Union chrétienne démocrate) M. Geissler.
Renchérissement stabilisé à 3%
En juillet, l' indice national des prix à la consommation a reculé de 0,2% pour s'établir à 114,9 points (décembre 1982=100). En raison de la baisse saisonnière des fruits et légumes, l'indice de l'alimentation a diminué de 0,6%. Les prix du groupe chauffage et éclairage ont reculé de 1% et ceux des transports de 0,6% du fait de la baisse de l'essence et des huiles de chauffage. Les prix des marchandises suisses sont restés stables, mais ont progressé de 2,8% d'une année à l'autre. Le taux de renchérissement a été encore plus sensible pour les marchandises importées (+3,4%), bien que leurs prix aient diminué de 0,9% en comparaison de juin. Le renchérissement annuel s'est stabilisé à 3%. Au niveau du commerce de gros, les prix se sont aussi légèrement comprimés. L' indice des prix de gros, qui avait déjà régressé de 0,4% en juin, a encore diminué de 0,3% pour s'établir à 180,1 points (1963=100). Toutefois, le renchérissement s'élève à 4,2% par rapport à 1988 (marchandises suisses +3,4%, marchandises importées +6,4%).