UBS Economic Notices (fre) 3/1991

Premiers comptes consolidés du groupe UBS

Les premiers comptes consolidés de l'Union de Banques Suisses (UBS) offrent une transparence optimale et permettent une comparaison fiable avec d'autres banques opérant sur le plan international. Ces comptes ont été établis conformément aux directives de la Communauté européenne. Cela signifie notamment que les réserves latentes que pouvait jusqu'ici receler le bilan sont clairement publiées et qu'il n'est pas procédé à des diminutions cachées de produits.

Principes de consolidation

Toutes les banques, sociétés financières et immobilières dans lesquelles la maison mère, à savoir l'Union de Banques Suisses, détient une participation directe ou indirecte de plus de 50% sont entièrement consolidées. L'actif et le passif, de même que les produits et les charges à l'intérieur du groupe sont saisis à 100%. Les créances, engagements, charges et produits sont compensés réciproquement. Les participations bancaires de plus de 50% ayant une moindre influence sur les comptes annuels consolidés et les participations de 20 à 50% sont prises en considération dans les comptes annuels du groupe selon la méthode de mise en équivalence (méthode d'imputation au capital), de même que les participations non bancaires de plus de 50%. En appliquant cette méthode, la part de la banque aux résultats annuels est saisie dans les comptes du groupe et sa part aux fonds propres figure sous la position "participations". Les participations inférieures à 20% et les parts de sociétés destinées à être revendues sont évaluées aux frais d'acquisition et figurent au bilan sous la position "titres pour placement".

Consolidation selon les directives de la CE signifie comptes transparents, c'est-à-dire que le bilan ne comporte pas de réserves latentes voulues et qu'aucunes ne sont constituées par le biais du compte de pertes et profits. Les réserves figurent au bilan en tant que telles. Ce n'est que dans les immobilisations, notamment pour les immeubles, qu'il est résulté des plus-values en raison de l'accroissement de la valeur intervenue depuis l'acquisition.

Résultats mitigés

Les comptes consolidés de l'Union de Banques Suisses dégagent un bénéfice net de Fr. 896,7 millions, en diminution de 9,3% par rapport à celui de 1989. Le cash-flow a reculé de 13,6% à Fr. 2,244 millions.

Ayant totalisé près Fr. 2,7 milliards, le produit net des intérêts a été supérieur de 3,2% à celui de 1989. Si la maison mère n'a enregistré qu'un faible accroissement en raison de la contraction des marges dans les affaires hypothécaires et des pertes d'intérêts sur les créances envers des pays en développement, les résultats des sociétés du groupe, dans ce domaine, ont été nettement meilleurs. Les commissions nettes ont diminué de 7% à Fr. 2,3 milliards. Les commissions encaissées dans les affaires commerciales internationales ont continué de progresser sous l'effet de l'accroissement du volume d'affaires, alors que les recettes des opérations d'émission, de placement et sur titres ont notablement diminué. En dépit de l'amélioration des résultats des opérations sur devises, billets, métaux précieux et instruments d'intérêt, le produit du négoce a régressé de 19% sous l'effet du recul enregistré dans le secteur de la Bourse.

Les mesures de rationalisation appliquées et le strict contrôle des coûts ont permis de maintenir l'alourdissement des charges d'exploitation, soit 5,5%, dans des limites acceptables, en dépit de l'expansion des affaires à l'étranger surtout. Compte tenu d'une augmentation des effectifs de 2%, les dépenses de personnel se sont accrues de 4,9% et celles de matériel de 6,6%. Vu que les années précédentes, les réserves pour des créances fiscales latentes ainsi que pour les risques d'insolvabilité et les risques pays avaient pu être largement dotées, notamment en y versant des produits extraordinaires, les amortissements, ajustements de valeur et provisions ont pu être réduits de 16,6% à Fr. 1,3 milliard.

Accroissement de la somme du bilan

La somme du bilan du groupe s'est accrue de 8,1% à Fr. 234 milliards, bien que le notable affermissement du franc suisse, surtout par rapport au dollar américain, ait eu un effet négatif sur les valeurs exprimées en francs. Le niveau élevé du loyer de l'argent en général et la structure inversée des taux d'intérêt en Suisse ont provoqué de gros transferts tant en ce qui concerne les prêts à la clientèle que les fonds de la clientèle. Pour ce qui est des prêts, qui ont progressé de 7,5%, on a noté une sollicitation plus grande des avances et prêts à terme fixe que des crédits en compte courant. Dans les fonds de la clientèle, la part des créanciers à terme fortement rémunérés a légèrement augmenté au détriment des fonds d'épargne traditionnels. L'afflux net de fonds de la clientèle (+7%) n'a cependant pas suffi à refinancer complètement l'accroissement des prêts à la clientèle, de sorte qu'il a fallu recourir un peu plus aux engagements en banque.

Les fonds propres, y compris le bénéfice annuel, mais sans les emprunts de rang postérieur imputables, ont augmenté de Fr. 1 milliard pour s'établir à Fr. 17,75 milliards à fin 1989. Compte non tenu du paiement proposé du dividende de la maison mère, le ratio de couverture du groupe s'élève à 7,3%, ce qui place l'UBS dans le peloton de tête des établissements financiers opérant sur le plan international. Les provisions de Fr. 7,6 milliards permettent largement de couvrir les risques connus liés aux affaires.

Les opérations hors bilan, dont l'évolution a été divergente et qui ont fortement progressé, sont toujours incluses dans cette appréciation du risque. Le montant global des engagements conditionnels et des affaires en cours s'est accru de 7% à Fr. 24 milliards, tandis que les crédits irrévocables non utilisés ont reculé de 6% à Fr. 24,2 milliards. Les nouveaux instruments financiers créés ces dernières années ont fait l'objet d'une demande nettement plus animée. La valeur des contrats du groupe concernant des opérations à terme et des futures sur devises et taux d'intérêt, ainsi que, dans une moindre mesure, sur titres et métaux précieux s'est accrue de 17% à Fr. 591 milliards pour les achats et de 14% à Fr. 594 milliards pour les ventes. Quant aux options, la valeur des contrats a pratiquement quadruplé pour atteindre près de Fr. 56 milliards. Le volume des opérations fiduciaires a régressé de 3% à quelque Fr. 50 milliards.

Dividende inchangé

L'exercice 1990 de la maison mère a été caractérisé par un début d'année insatisfaisant, un bon deuxième trimestre, une nette détérioration des résultats dès le mois d'août et une reprise en fin d'année. En outre, deux nouvelles prescriptions de la Commission fédérale des banques concernant la comptabilisation - la constitution de réserves latentes et de provisions nécessaires par des diminutions de produits n'est plus admise et les fluctuations de valeur des placements à revenu fixe dues aux taux d'intérêt ne sont plus prises en considération - rendent la comparaison avec l'exercice précédent difficile. Le cash-flow a reculé de 11,2% à Fr. 1'562 millions et le bénéfice net de 13,5% à Fr. 780 millions, de sorte que les résultats, après le bon exercice 1989, sont revenus à leur niveau de 1988. Eu égard à la forte position de la banque sur le marché, les perspectives peuvent cependant être jugées positives. Pour cette raison, le Conseil d'administration proposera à l'Assemblée générale du 17 avril 1991 de laisser le dividende inchangé (Fr. 135.- par action au porteur, Fr. 27.- par action nominative et Fr. 5.40 par bon de participation).

Structure du groupe orientée vers l'avenir

Le 1er juillet 1991 entrera en vigueur la nouvelle structure de la direction du groupe, qui sera mise en place progressivement. Dans le cadre de l'objectif stratégique fixé, à savoir - d'ici la fin de cette décennie - renforcer la position de leader de l'Union de Banques Suisses en Suisse et en faire l'une des premières banques universelles tout en restant un groupe suisse indépendant, le groupe est réorganisé pour pouvoir répondre encore mieux aux besoins de la clientèle. Simultanément, la restructuration tient compte des développements intervenus sur les marchés financiers internationaux, du renforcement de la présence de la banque à l'étranger et du net durcissement de la concurrence sur la place financière suisse.

Tout en conservant l'organisation actuelle (ligne hiérarchique et direction technique), il est créé, d'une part, une direction du groupe et, d'autre part, cinq régions (Suisse, Europe, Amérique du Nord, Japon et Asie orientale). Celles-ci sont directement subordonnées au président de la direction du groupe et sont investies de la plus grande autonomie possible. Alors que la Direction Suisse sera dans une large mesure seule responsable de son marché et aura à cet effet pratiquement toutes les compétences de la direction générale actuelle, les directions des autres régions disposeront d'une autonomie réglée par la direction du groupe et variant en fonction de l'importance et du stade de développement des unités structurelles concernées.

La direction du groupe comprenant, en plus du président, les chefs des six secteurs d'affaires est compétente pour les affaires globales et l'application de la stratégie du groupe. Par ailleurs, il est créé une direction élargie du groupe en tant qu'organe de direction au sens de la loi sur les banques, qui est responsable de la stratégie du groupe et de la fixation des objectifs.

Cette réorganisation améliore la proximité du marché, assure une stratégie uniforme pour les produits principaux en évitant de travailler simultanément dans plus d'une région au développement d'un produit appelé à couvrir des besoins semblables, raccourcit les voies de décision et offre davantage de temps pour les problèmes fondamentaux. L'UBS est ainsi bien armée pour maîtriser les tâches qui lui incomberont au cours des prochaines années.

Incompatibilité de la fiscalité suisse sur le plan européen

Au début de 1993, le marché unique européen deviendra réalité. Il sera alors primordial pour l'économie suisse de ramener les coûts des entreprises à un niveau comparable à celui de la Communauté européenne. Parmi ceux-ci et s'ajoutant aux frais financiers, aux dépenses en capital, aux salaires et aux coûts de matériel il y a aussi les impôts.

Les Etats membres de la CE ont reconnu de bonne heure que la réalisation du Marché commun et le renforcement de la capacité concurrentielle qui s'ensuit ne peuvent être réalisés qu'en tenant compte du facteur fiscal. En raison de la priorité accordée aux impôts indirects, la CE s'est attachée à accélérer en toute priorité l'harmonisation fiscale dans ce secteur. D'importantes charges ont d'ores et déjà été allégées et un rapprochement des divers systèmes fiscaux, à l'exception des taux d'imposition, a été largement réalisé dans les Etats membres. En ce qui concerne les impôts directs, seules certaines directives ont en revanche été édictées. En matière de régime fiscal des entreprises, une harmonisation est ici aussi à l'ordre du jour.

Le système fiscal suisse a évolué de façon diamétralement opposée à celui de la CE. Alors que sur le plan mondial on s'est attaché à réduire considérablement les taux d'imposition et à supprimer certaines taxes, le législateur suisse n'a fait qu'alourdir en permanence les charges fiscales ces dernières années.

Imposition des biens d'investissement et d'équipement

L'impôt sur le chiffre d'affaires (Icha), impôt à la consommation comparable en son genre à l'impôt sur la valeur ajoutée au sein de la CE, continue d'être admis, bien qu'il soit critiqué depuis de nombreuses années au titre d'impôt grevant d'une taxe occulte les biens d'investissement et d'équipement. Pour l'économie, cela représente une charge additionnelle entraînant un renchérissement de la production. Cette taxe occulte rapporte actuellement à la Confédération des recettes annuelles de l'ordre de Fr. 1,7 milliard, montant que les entreprises doivent répercuter sur les prix de vente des produits fabriqués. La CE, elle, ne connaît pas d'imposition de ce genre. Ce désavantage flagrant pourrait être éliminé si le remplacement de l'Icha par le système de la taxe sur la valeur ajoutée, décidé par les Chambres fédérales, était ratifié par le Souverain. Cela permettrait en outre de financer le budget public -- comme dans les pays membres de la CE -- par le biais des impôts indirects et sans créer de distorsions concurrentielles.

Entraves à la formation de capital risque et aux restructurations

L'apport de capital risque par l'émission de droits de participation -- actions ou titres similaires -- est pénalisé d'un droit de timbre d'émission de 3%, ce qui représente le triple de l'imposition de la CE, qui prévoit 1% au maximum. Ce préjudice, dont pâtissent les entreprises à fort coefficient de capital, fait perdre de plus en plus à la Suisse son importance en tant que lieu d'implantation.

Au cours des années à venir, la situation économique en perpétuelle évolution exigera de plus en plus d'adaptations de la structure des entreprises: restructurations, fusions, etc. Alors qu'au sein de la CE celles-ci peuvent être exécutées sans incidence fiscale, le fisc suisse prélève un droit de timbre d'émission (1% sur la valeur vénale des parts sociales concernées), ainsi que parfois des impôts directs. Pour les entreprises, -- anciennes surtout -- et recelant d'importantes réserves latentes (immeubles), des adaptations souvent urgentes sont ainsi interdites ou fortement entravées pour des raisons fiscales.

Le problème des droits de timbre

L'imposition du transfert de titres (actions, obligations, etc.) existant dans la quasi-totalité des pays européens a été abolie ces dernières années dans divers Etats qui la jugeait surannée et à l'origine de distorsions concurrentielles. La Suisse en revanche s'y raccroche. Dans le cadre de la globalisation actuelle de l'économie et compte tenu des flux de capitaux qui y sont liés, de tels droits peuvent facilement être évités, ce qui finit par exclure pratiquement certaines places financières du négoce de certaines catégories de titres.

La situation est encore moins bonne au niveau des fonds de placement, puisque le droit de timbre d'émission de 0,9% s'ajoute à l'imposition du négoce des parts.

Double imposition économique

Afin d'éviter que les bénéfices d'entreprise versés sous la forme de dividendes ne soient imposés à double, la CE a publié tout récemment une directive (directive, sur les sociétés mères/filiales), aux termes de laquelle les Etats membres doivent modifier leur législation nationale pour exclure une double imposition économique. Dans ce même contexte, il convient de souligner également que les paiements de dividendes et d'intérêts des sociétés affiliées ne doivent pas être frappés d'impôt à la source. En Suisse, en revanche, seule la triple imposition économique est supprimée par le biais de la réduction pour participations sur le plan fédéral et le privilège des sociétés holdings dans les cantons.

L'imposition directe des entreprises sur la mauvaise voie

Si la charge fiscale en Suisse était autrefois modeste, nous avons perdu cet avantage ces dernières années et cela à deux points de vue. Ainsi, l'étranger a allégé les charges fiscales (à titre d'exemple: l'impôt sur les sociétés a été ramené de 52 à 30% en Suède, de 50 à 34% en France, de 46 à 34 % aux Etats-Unis), alors qu'en Suisse elle était maintenue à son niveau, voire renforcée. En outre, le Parlement est encore allé plus loin dans la mauvaise direction, remplaçant le tarif à trois niveaux des personnes morales (imposition basée sur la rentabilité des fonds propres) par un tarif proportionnel. Ce changement a alourdi la charge des entreprises à fort coefficient de capital, d'autant plus que l'impôt sur le capital est le plus souvent inconnu à l'étranger.

Pour un système fiscal moderne en Suisse

L'environnement fiscal de la Suisse doit être conçu de telle sorte qu'à l'avenir une capacité concurrentielle de tout premier ordre soit assurée. Indépendamment d'une adhésion à la CE, la Suisse serait en mesure de modifier sa législation fiscale pour la rendre compatible à celle de la CE. L'adapter aux réalités de l'Europe exigerait de:

--- supprimer la taxe occulte

--- réduire le droit de timbre d'émission à 1%

--- exonérer les fonds de placement des droits de timbre

--- exonérer les opérations sur titres des droits de timbre

--- exempter d'impôt les restructurations d'entreprises

--- éliminer la double et triple imposition économique

--- abaisser l'impôt anticipé à un niveau CE.

--- compenser d'autres désavantages de l'implantation en Suisse en allégeant la charge fiscale

En Suisse aussi, les prestations fiscales résultent en premier lieu du produit de l'activité de toute entreprise. Il appartient par conséquent à l'Etat d'assurer la compétitivité de son économie en créant un environnement propice pour que nos entreprises -- en dépit de coûts de production et de salaires élevés -- puissent se mesurer à armes égales avec leurs concurrentes étrangères.

W. Jeck/C.E. Schillig

Récession américaine: durée, ampleur?

Au printemps 1990, la plupart des spécialistes étaient convaincus d'un "atterrissage en douceur" de l'économie américaine. Cette perspective relativement optimiste a été sérieusement érodée par le déclenchement de la crise du Golfe. La faiblesse actuelle de l'économie n'étant due toutefois qu'accessoirement à la crise au Moyen-Orient, l'écrasante victoire des Etats-Unis n'aura également que peu d'influence sur la présente récession.

Cycles économiques

La seconde plus longue période d'expansion de l'après-guerre de l'économie américaine s'est achevée au milieu de 1990. Les experts du National Bureau of Economic Research (NBER), qui font office "d'arbitres" en matière de cycle économique, ont déclaré officiellement que les Etats-Unis entraient en récession. Pour être cataloguée comme telle, l'activité économique doit régresser en termes réels pendant au moins six mois. Contrairement à une opinion souvent émise, cela n'est pas obligatoirement assimilable à deux trimestres consécutifs de croissance négative du produit national brut.

Depuis 1950, l'économie américaine a connu sept cycles. Leurs mois de début et d'achèvement sont fixés par le NBER sur la base de l'analyse de divers indicateurs conjoncturels. Les sept récessions, c'est-à-dire les périodes entre deux phases d'expansion, ont été de onze mois en moyenne, pour des périodes de croissance avoisinant cinquante-deux mois. Durant la phase d'expansion des sept cycles, le PNB a progressé de 20,3% en termes réels (3,95% en données annualisées), alors que son recul durant la récession a atteint 2,7% (4,1% en données annualisées). Le rapport expansion/recul est donc de 7,5:1!

La dernière phase d'expansion a débuté à l'automne 1982, après deux courtes périodes consécutives de fléchissement. Entre fin 1982 et le milieu de 1990, le PNB a augmenté de plus de 30% en termes réels. L'expansion s'est toutefois accompagnée de fortes fluctuations et a subi un continuel tassement depuis le milieu de 1987. A l'inverse des récessions précédentes qui avaient enregistré d'énormes reculs, la récession actuelle a été ainsi précédée d'une assez longue période de stagnation.

Causes de la stagnation

L'essoufflement de ces dernières années est dû à plusieurs facteurs. Premièrement, le fort stimulant généré au début de la décennie par la politique fiscale a disparu. Parallèlement, l'énorme déficit budgétaire a empêché l'amélioration de l'épargne nationale mais bloqué aussi, de concert avec la demande accrue de fonds des pays européens traditionnellement exportateurs de capitaux et du Japon, une décrue des taux d'intérêt réels à leur niveau normal.

La politique monétaire très restrictive a été le deuxième facteur responsable du ralentissement de l'économie. Entre le krach boursier d'octobre 1987 et juin 1990, la base monétaire et la masse monétaire M2 ne se sont accrues globalement que de 3% et 0,15% en termes réels (0,23% et 0% entre janvier 1989 et juin 1990). Or précisément en 1990, un très net relâchement des rênes monétaires aurait pu éviter les goulets d'étranglement au niveau des crédits. Tel qu'il ressort du tableau, le "credit crunch" a été très net dans l'année précédant la récession. Les prêts des banques aux entreprises ont subi en particulier un arrêt d'une exceptionnelle ampleur. Bien que la part des banques au volume global des crédits ait sensiblement diminué ces dernières années, cette évolution a certainement pesé sur la croissance. La raréfaction des crédits octroyés est attribuable partiellement aux dispositions plus strictes en matière de fonds propres pour les banques et au renforcement de la surveillance des établissements de crédit dans le sillage de la crise des caisses d'épargne. Néanmoins, la dégradation générale de la qualité des actifs bancaires, notamment des crédits LBO et des prêts hypothécaires a joué un rôle essentiel. Ce phénomène est le résultat, entre autres, de la diminution générale des patrimoines et de la crise dans l'immobilier après le boom qu'a connu ce secteur dans le milieu des années quatre-vingt. C'est pourquoi l'activité de la construction était nettement plus faible avant la présente récession que lors des cycles précédents. Si auparavant l'espoir d'une augmentation des éléments de patrimoine avait incité les ménages privés et les entreprises à s'endetter inconsidérément, l'effondrement du secteur immobilier et la stagnation des revenus ont enclenché un mouvement inverse. En outre, la marge de manoeuvre étroite des banques en matière de crédit, due à la dégradation qualitative des créances, a aussi contribué à la stagnation de l'économie.

Début de la récession: atypique, mais brutal

Ces facteurs plutôt structurels n'expliquent pas à eux seuls le fléchissement de la croissance vers la fin de 1990. Les premières estimations officielles font bien état d'une baisse du PNB de 0,4% (-2% en données annualisées) au quatrième trimestre, mais elles reposent en grande partie sur une extrapolation de tendances. Bien que moins étendue, une analyse plus précise de certains indicateurs conjoncturels (emploi et production industrielle avant tout) laissent présager une révision à la baisse, en particulier pour les trimestres antérieurs. C'est pourquoi nous partons de l'hypothèse que la récession a commencé dès le milieu de 1990.

Deux facteurs ont essentiellement joué le rôle de catalyseur lors des récessions précédentes. Au milieu des années soixante-dix et au début des années quatre-vingt notamment, les chocs pétroliers ont entraîné une explosion des prix et des coûts, suscitant une érosion des revenus réels des ménages privés et des entreprises. Dans le cycle actuel, l'incidence de la flambée - mais de courte durée - de l'or noir a été moindre que prévu généralement. La demande étant déjà languissante, les hausses de prix ont été relativement peu ressenties par l'utilisateur final. Par contre, l'alourdissement des coûts a encore affaibli la capacité bénéficiaire déjà comprimée de la plupart des entreprises. Quant à la constitution de stocks, deuxième facteur déterminant pour la production et l'emploi, elle a été moins marquée durant la phase initiale de la présente récession que lors des cycles économiques antérieurs.

La plupart des indicateurs montrent que la récession actuelle a été déclenchée par une baisse brutale de la consommation. A ce sujet, le recul du chiffre d'affaires du commerce de détail est particulièrement frappant, notamment dans l'automobile avec des ventes en chute libre. La perte dramatique de confiance des consommateurs est donc le grand responsable de cette situation. Mais cette perte n'est pas due uniquement au déclenchement de la crise du Golfe. Elle est liée aussi certainement à la baisse de l'emploi et des revenus réels.

Globalement, cette récession ne semble donc pas suivre à la lettre le modèle habituel. La plupart des indicateurs montrent toutefois que le fléchissement de la croissance durant les six-sept premiers mois a été au moins aussi fort qu'en moyenne des récessions précédentes.

Reprise ou stagnation persistante?

Bien que les indicateurs conjoncturels permettent d'avoir une certaine idée de l'évolution de la récession, ils se prêtent difficilement aux prévisions concernant la croissance de l'économie globale. C'est pourquoi il faut partir d'hypothèses plausibles sur l'évolution des facteurs fondamentaux.

Tout d'abord, il est manifeste que le choc pétrolier de l'automne 1990 a cessé ses ravages. La fin de la guerre du Golfe et la surabondance d'or noir ont entraîné de nouvelles baisses de prix. Le revers de la médaille est que, comme en 1986, cette désescalade provoquera des importations massives de pétrole, qui statistiquement pèseront sur la croissance du PNB.

Ensuite, il faut s'attendre à ce que la consommation se stabilise vers la fin du premier trimestre 1991. La fin de la guerre soutiendra ce mouvement. Une nouvelle baisse de cette composante de la demande, traditionnellement la plus stable, serait en tout cas sans précédent.

L'évolution des investissements et de la construction sera donc déterminante. Dans l'industrie, ce facteur ne devrait pas occasionner de nouvelle baisse importante de production, étant donné le niveau déjà relativement bas des stocks. La très faible capacité bénéficiaire des entreprises pourrait cependant contribuer à freiner les investissements d'équipement. Quant à la construction, elle a tellement cédé de terrain ces dernières années et ces derniers mois qu'elle devrait bientôt se stabiliser. En outre, la baisse des taux hypothécaires aura des effets stimulants.

Les exportations continueront de profiter de la faiblesse du dollar, mais seront freinées par l'essoufflement de la demande étrangère. Compte tenu de l'augmentation probable des importations, le résultat net des échanges extérieurs devrait être nul.

Le très sensible relâchement des rênes monétaires depuis la fin de 1990 et le recul de l'inflation entraîneront une nouvelle décrue des taux d'intérêt, tout d'abord dans le court terme. Par ailleurs, la politique budgétaire exercera durant plusieurs années un effet plutôt modérateur sur la croissance. Cette année, le déficit s'alourdira à quelque $ 350 milliards (plus de 6% du PNB) en raison de la faiblesse de l'activité et de l'assainissement des banques. Ce qui est plus important, les dépenses occasionnées par cet assainissement n'auront pas d'effet multiplicateur, puisque aucun nouveau revenu ne sera créé par ce biais. Quant aux dépenses générées par la guerre du Golfe, elles n'auront également qu'une incidence mineure.

La conclusion à tirer de ce développement et des réflexions émises est que le pire sera bientôt derrière nous. Au premier semestre 1991, on peut tout au plus s'attendre à une croissance encore légèrement négative. Globalement, la récession sera donc de durée (un an environ) et d'amplitude (recul cumulé du PNB avoisinant 2,5%) moyennes. Les problèmes structurels susmentionnés ne laissent cependant pas prévoir, même à moyen terme, de vive reprise conjoncturelle. A plus longue échéance cependant, la restructuration financière de l'économie mise en route - tant sur le plan intérieur que vis-à-vis de l'étranger - devrait faciliter la mobilisation des fonds d'épargne pour des investissements plus productifs. Oliver Adler

CHRONIQUE BOURSIERE

Vive progression des cours

Depuis le déclenchement des hostilités dans le Golfe et les premiers succès de l'aviation alliée, les cours des actions ont grimpé en flèche sur l'ensemble des Bourses internationales. De la mi-janvier à la fin février 1991, le Swiss Performance Index (SPI) a gagné 21%, l'indice DAX des actions allemandes 17%, le Nikkei 15% et le Dow Jones des industrielles 15% également. Au niveau actuel, nous recommandons de conserver les positions et, le cas échéant, de prendre quelques bénéfices.

Etats-Unis

La victoire de la coalition internationale contre les troupes irakiennes dans le Golfe devrait être largement escomptée dans les cours. Les considérations purement économiques concernant la conjoncture américaine ont regagné en importance. Outre les valeurs défensives, qui ont affiché de bonnes performances, ce sont surtout les titres de sociétés susceptibles d'obtenir des contrats de reconstruction au Koweït qui ont tenu le haut du pavé jusqu'à la fin février. Par conséquent, des investissements supplémentaires dans ces dernières valeurs ne sont conseillés que sur réactions en baisse. Par ailleurs, un nouvel effritement des prix pétroliers n'est pas exclu si l'OPEP ne trouve pas de consensus, ce dont pourraient temporairement pâtir les valeurs pétrolières. Dans l'ensemble, nous nous attendons, à plus ou moins long terme, à un meilleur comportement de la Bourse sous l'effet de la reprise économique escomptée.

Japon

Si la tournure des événements dans le Golfe et, indirectement, le repli des prix du pétrole ont eu un effet stimulant sur la Bourse nippone jusqu'à la mi-février, les reprises momentanées du yen et la détente des taux d'intérêt au Japon ont également joué un rôle non négligeable. En outre, la performance impressionnante de Wall Street n'est pas restée sans effet sur Tokyo. Il est intéressant de constater, à cet égard, que ce sont avant tout les investisseurs étrangers, pour la plupart américains, qui sont à l'origine de la dernière hausse au Kabuto-cho. En effet, les institutionnels nippons se montrent encore frileux. On aura soin de privilégier les valeurs capables de profiter de la reprise conjoncturelle qui s'amorce aux Etats-Unis.

Allemagne

La Bourse allemande a, elle aussi, enregistré une progression des cours substantielle depuis le début des hostilités. Mais la correction technique ne s'est pas fait attendre. De plus, l'annonce d'un train de mesures fiscales (taxe additionnelle de solidarité de 7,5% à l'impôt sur les revenus et à l'impôt - limité à un an - sur les bénéfices des sociétés ainsi que forte majoration du droit d'accise sur les hydrocarbures, essence, gazole, mazout et gaz naturel) a ajouté à la pression sur les cours. A l'heure actuelle, nous misons sur les valeurs des secteurs bancaire, pharmaceutique et des services publics.

Suisse

Les stimulants qui ont porté la Bourse suisse ces dernières semaines ne sont pas seulement nés de l'issue du conflit du Golfe, mais aussi du fléchissement des taux d'intérêt. Par ailleurs, les bénéfices des multinationales de notre pays ressentent durement les relations de change entre le franc suisse et dollar notamment. Nous entrevoyons, cependant, une détente sur ce front dans les mois à venir. Nos préférences vont à la pharmacie, à l'alimentation et au commerce de détail. M. Meyer

Marché de l'argent et des capitaux

Décrue globale des taux à quelques exceptions près

Depuis la mi-janvier, les taux d'intérêt et les rendements sont presque tous à la désescalade sur les marchés financiers internationaux. Le début de cette baisse a coïncidé avec le déclenchement des hostilités dans le Golfe et les succès foudroyants remportés immédiatement par les forces de la coalition. Ainsi les marchés, à l'instar des Bourses, ont été libérés des incertitudes hypothéquant l'avenir et ont réduit en conséquence les primes de risque. En symbiose avec le déroulement des opérations militaires, l'effondrement des prix du pétrole a également eu un effet modérateur sur les taux d'intérêt et écarté le danger d'un emballement de l'inflation. Si ces signaux positifs ont favorablement influencé les marchés des capitaux, en revanche les taux du court terme ont nécessité un coup de pouce des banques centrales. Il a été surtout donné dans les pays anglo-saxons, aux prises avec la récession, alors qu'inversement la Bundesbank allemande a relevé une nouvelle fois ses taux directeurs. Fin février début mars, la tendance était plutôt à un léger raidissement des taux sur de nombreuses places financières.

L'Allemagne trouble-fête

En pleine euphorie de la décrue des taux d'intérêt, qui avait aussi saisi le marché obligataire allemand, la Bundesbank a relevé à l'improviste, le 31 janvier, son taux d'escompte et son taux d'avances sur nantissement d'un demi-point chacun pour les porter à 6 1/2% et 9%. Présenté comme une mesure technique pour garder le contrôle sur la politique monétaire, ce durcissement a été interprété par le marché comme un coup de semonce en faveur de la stabilité adressé aux pouvoirs publics et au partenaires sociaux. Un avertissement, qui compte tenu des augmentations salariales annoncées en février, n'est pas resté sans écho. Les instituts d'émission autrichien et néerlandais ont emboîté le pas le même jour en relevant leurs taux directeurs dans les mêmes proportions. Par contre, la Banque de France a fait une nouvelle fois preuve d'indépendance, mais qu'elle a dû payer par des pressions sur le franc au sein du SME.

Assouplissement de la politique monétaire dans les pays anglo-saxons

Le raidissement des taux allemands n'a guère soulevé l'enthousiasme des autorités monétaires britanniques. C'est qu'il limitait sensiblement, via le mécanisme de change européen (MCE), le desserrement envisagé du carcan monétaire pour lutter contre la récession. La Banque d'Angleterre a malgré tout abaissé d'un demi-point ses taux du court terme les 13 et 27 février. Cette désescalade a entraîné à son tour la baisse du taux de base des banques et des taux hypothécaires, influençant le renchérissement. La réduction prudente, mais qui en laissait entrevoir d'autres, a tout d'abord peu porté préjudice à la livre sterling.

Quant au billet vert, dopé par la crise du Golfe, il s'est aussi bien comporté lorsque la Réserve fédérale a ramené de 6 1/2 à 6% le taux d'escompte, bien que cette réduction ait été effectuée sur les talons du relèvement allemand. Ici aussi, l'objectif visé était de sortir rapidement l'économie américaine de l'ornière de la récession. Le léger éclaircissement de l'horizon conjoncturel aux Etats-Unis et la révision à la baisse de la durée de la récession ont toutefois rendu ensuite le Fed plus réticent à adopter de nouvelles mesures stimulantes. A partir de la mi-février, le rendement du marché des capitaux a progressé de nouveau de 0,2 point sous l'effet d'une inflation pas encore entièrement contrôlée.

Au Japon, les indices d'accalmie de la surchauffe économique se multiplient, grâce à l'action déterminante de la politique monétaire restrictive. La flambée persistante des prix a incité néanmoins la Banque du Japon à s'opposer à tout assouplissement prématuré. Un refus auquel le recul marqué des rendements obligataires depuis l'automne 1990 a aussi contribué. En effet, leur couplage avec les taux du crédit avait transmis des signaux expansionnistes anticipés à l'économie. C'est pourquoi les taux du court terme resteront tout d'abord à leur niveau élevé, tandis que la consolidation du marché des capitaux, observée depuis février, devrait se poursuivre.

Détente en Suisse également

Les taux ont aussi reculé sensiblement sur le marché suisse de l'argent et des capitaux depuis la mi-janvier, avec toutefois un temps d'arrêt vers la fin février, voire même une légère tension. Pour l'eurofranc, la désescalade a avoisiné un point au niveau de 8%. La persistance de la structure inverse des taux dans le segment jusqu'à douze mois, et même sa récente accentuation, n'augure pas d'un véritable assouplissement de la politique monétaire. Il serait d'ailleurs immédiatement remis en question dans le contexte international des taux d'intérêt, aussi longtemps que la Bundesbank maintient son cap restrictif. Ainsi bien que "neutre", l'actuelle politique de liquidités de la Banque nationale - pour la première fois depuis près de trois ans l'expansion de la monnaie centrale n'est plus inférieure aux objectifs - a déjà contribué à un certain fléchissement du franc sur les marchés des changes. De nouveaux reculs substantiels des taux ne sont donc pas à prévoir dans l'immédiat.

Dans le secteur du long terme, la baisse des rendements enclenchée en début d'année s'est poursuivie sans interruption jusqu'à la mi-février. Elle a été suivie toutefois d'une légère correction sous l'influence des taux du court terme et de la consolidation mondiale des marchés. Mesuré au rendement moyen des emprunts de la Confédération, le niveau des taux d'intérêt du marché des capitaux a reculé de 0,4 point durant les deux premiers mois de 1991. De façon encore plus sensible, la rémunération des nouvelles obligations de caisse a été réduite entre trois-quart de point et un point, selon la durée. Quant aux taux hypothécaires, le modeste allégement des coût de refinancement à court terme et l'amélioration de l'état du marché pour les fonds passifs à moyen terme ont permis d'atténuer les problèmes posés. L'UBS a été la première banque à ramener de 81/2 à 8% son taux minimal pour les nouvelles hypothèques. Néanmoins, espérer ici aussi une décrue plus importante serait encore prématuré.

Reprise animée des émissions

La désescalade des taux d'intérêt a relancé les émissions. Rien qu'en février, elles ont porté sur dix-sept emprunts publics et trois placements privés de débiteurs suisses, pour un montant global de Fr. 2,3 milliards. A cela s'est ajouté Fr. 2 milliards de "notes" et d'emprunts de débiteurs étrangers en franc. Ce ballet des émissions s'est poursuivi en mars, mais la légère tension des taux a quelque peu refroidi l'engouement. Le dernier emprunt de la Confédération a été affecté, entre autres, par cette évolution. Assorti d'un coupon de 6 1/4% et émis selon le système d'appels d'offres, il a eu un rendement à l'émission de 6,40%, malgré un montant à lever fixé sensiblement inférieur à l'emprunt de janvier. Après s'être montrée réservée en 1990, hausse des taux d'intérêt oblige, la Confédération sollicitera plus régulièrement et plus intensément le marché cette année.

En février, les émissions d'emprunts internationaux ont connu un véritable boom et pulvérisé tous les records avec un volume mensuel de $ 39 milliards. Les émissions en écus s'y sont taillées la part du lion en réunissant un tiers du total, soit $ 13 milliards. Cet engouement pour l'écu a été toutefois suivi d'une phase de consolidation, étant donné que le placement de l'énorme volume se heurtait aux limites de l'absorption.

Chr. Frey

Les banques centrales ont secouru le dollar

A fin janvier, le conflit du Golfe avait déjà quitté le devant de la scène sur les marchés des changes, le cédant notamment aux difficultés de l'économie américaine et aux décisions de politique monétaires prises à Francfort et à Washington. Le décalage des phases conjoncturelles des deux côtés de l'Atlantique s'est traduit par une évolution divergente des taux d'intérêt en fonction des motivations des principaux pays industrialisés. Le dollar étant en butte à des vents contraires, les banques centrales ont néanmoins fait preuve de solidarité, soutenant le billet vert pendant une semaine par le biais d'interventions concertées. Ces achats de dollars, auxquels la Banque nationale suisse ne s'est associée que tardivement et que la Banque du Japon a dédaignés, ont été effectués en grande partie contre marks allemands. Leur efficacité a cependant été provisoirement affectée par les déclarations de représentants - tant allemands qu'américains - des gouvernements et des banques centrales. La discussion a également été nourrie par la réduction en deux temps du taux de base britannique, la bonne tenue persistante de la peseta et la glissade du franc français au dernier rang des monnaies du SME.

Retournement du dollar

Le dollar a évolué comme suit: Fr. 1.2525 le 23 janvier, Fr. 1.2735 le 30, Fr. 1.2320 le 7 février et 1.3505 le 7 mars. Le billet vert a été quelque peu stimulé par les déclarations rassurantes de M. Alan Greenspan, selon lesquelles la récession aux Etats-Unis ne saurait être que de peu d'importance et de courte durée. Mais à la suite du relèvement inattendu des taux directeurs en Allemagne fédérale, de l'annonce de licenciements massifs aux Etats-Unis et de l'abaissement consécutif du taux d'escompte par la Réserve fédérale d'un demi-point à 6%, le dollar a subi une forte pression des ventes. Le 7 février, il a touché le plancher historique de Fr. 1.2320. Les déclarations du ministre des finances américain, M. Nicholas Brady, et du conseiller économique du président Bush, M. Alan Boskin ("Le Fed peut encore réduire les taux d'intérêt."), ainsi que du vice-président de la Bundesbank, M. Helmut Schlesinger ("Le dollar, à son cours actuel, n'a plus besoin d'interventions."), ont ralenti le redressement du dollar. Ce dernier s'est refait une santé à partir de la mi-février, les intervenants spéculant - à juste titre - sur une victoire rapide des forces alliées, et - peut-être prématurément - sur la reprise de l'économie américaine que la tournure des événements laissait entrevoir. Le billet vert a également été stimulé par les perspectives des firmes américaines de décrocher de nombreux contrats pour la reconstruction du Koweït et par l'espoir que le Fed, du fait du regain de confiance, ne doive pas assouplir à nouveau sa politique de crédit.

Le mark allemand sous l'influence des taux d'intérêt

Le mark cotait 1.4880 par dollar le 23 janvier, 1.5005 le 30, 1.4440 le 11 février et 1.5475 le 7 mars. Par rapport au franc suisse, il se négociait à Fr. 84.18 pour cent unités le 23 janvier et Fr. 87.27 le 7 mars. Le relèvement du taux d'escompte et du taux des avances sur nantissement d'un demi-point le 31 janvier a été justifié par la Bundesbank comme une mesure d'adaptation au marché. Cette mesure a néanmoins été interprétée par le marché comme un avertissement aux pouvoirs publics et aux partenaires sociaux. Le mark s'en est trouvé raffermi. Ces mesures de politique du crédit, désapprouvées par d'autres pays, ont joué le rôle d'un catalyseur pour la faiblesse prononcée du dollar. Par la suite, l'envolée du mark s'est vu freinée non seulement par les interventions des banques centrales, mais également par le refroidissement des relations américano-soviétiques et les relèvements d'impôts. Cette dernière mesure n'a pas été sans freiner la croissance de l'économie allemande et assombrir la perspective de nouvelles hausses des taux d'intérêt. L'escalade du mark à son maximum sur dix mois (Fr. 87.51) est attribuable, outre au niveau élevé de l'intérêt, à la perte d'attrait du franc suisse après le cessez-le-feu décrété dans le Golfe.

Le yen gagne des points

Le yen s'échangeait à 132.25 par dollar le 23 janvier, à 127.30 le 11 février et à 135.85 le 7 mars. Compte tenu de l'escalade de l'inflation annuelle à 4,5% et des pourparlers de salaires en vue, la Banque du Japon a renoncé à desserrer son étreinte, bien que l'économie ait accusé une baisse de rythme et que la masse monétaire ait enregistré en janvier un nouveau et net ralentissement de sa croissance. Le yen a gagné bien des points sur un large front dans les taux indirects, eu égard aux rendements intéressants sur le marché monétaire du yen, à la baisse des prix du pétrole et à la non-intervention de la banque centrale. Au début mars, il a perdu une partie du terrain gagné.

Robustesse de la livre

La livre cotait $1.9545 le 23 janvier, $2.0015 le 6 février et $1.8880 le 7 mars. Suite au relèvement des taux allemands, la livre a fait l'objet d'interventions de soutien. Puis elle a bien digéré les deux réductions d'un demi-point du taux de base, décidées en raison de la détérioration de la situation économique. Même le mauvais résultat de la balance des opérations courantes ne l'a pas affectée. La livre n'a pas non plus concédé de terrain dans le sil

age du raffermissement du dollar. H. Theiler

Cours un peu moins comprimés

La pression exercée depuis long- temps sur les prix s'est quelque peu relâchée avec la fin des combats dans le Golfe. Le platine notamment s'est bien repris. Mais il est toutefois prématuré de parler d'une modification fondamentale de la situation. Une chose est certaine, les métaux pré- cieux ne jouent plus leur traditionnel rôle de placement refuge. Ni la fai- blesse du dollar, ni le conflit du Moyen-Orient accompagné d'une hausse des prix du pétrole, accroissant ainsi le danger d'inflation, ni même le déclenchement de la "tempête du désert" et les difficultés auxquelles doit faire face le système financier aux Etats-Unis sont parvenus à stimu- ler les cours. Les opérateurs font donc preuve de souplesse, attitude caractérisée par des engagements à court terme et une prise rapide de bénéfices. Les circonstances actuelles n'incitent donc guère à constituer des positions à long terme. Ces réactions pour le moins atypiques sont dues sur- tout à l'inclinaison de l'offre. Dès le début de la crise, la situation financière de pays producteurs de pétrole comme l'Arabie Saoudite, le Koweït, s'est considérablement détérioriée. D'acheteurs qu'ils étaient, les voilà vendeurs. En outre, le besoin latent de devises de l'Union soviétique la contraint à des ventes substantielles d'or et de platine. Par ailleurs, la production de métal jaune en Occident, en Amérique du Nord notamment, semble encore rentable en dépit du marasme actuel. En Afrique du Sud, les marges bénéficiaires ont lit- téralement fondu du fait de l'augmen- tation des charges salariales et des frais financiers qu'entraîne la mise en exploitation de nouveaux gisements. La bijouterie demeure néanmoins un soutien durable pour la demande depuis que l'intérêt des investisseurs est nettement moins vif. En 1990, elle représentait plus de 80% de la quanti- té raffinée. En revanche, la demande industrielle de platine et d'argent a été peu animée, ce qu'il faut attri- buer à la dégradation des perspectives conjoncturelles.

Le 7 mars, l'or a clôturé à $ 366.50 l'once, l'argent à $ 3.95 l'once et le platine à $ 401.50 l'once.