UBS Economic Notices (fre) 5/1990

L'oasis suisse des taux d'intérêt est-elle condamnée à disparaître?

Des taux d'intérêt très bas en comparaison internationale ont été, durant des années, une caractéristique de la Suisse. Au cours des douze derniers mois toutefois, ils se sont pratiquement envolés. Actuellement, les taux du court terme sont même notablement plus élevés que ceux de l'Allemagne fédérale. Cette évolution signifie-t-elle que l'oasis qu'est la Suisse en matière de taux d'intérêt est condamnée à disparaître? La présente étude a pour objet d'élucider ce problème.

Au cours de l'histoire, la Suisse a connu des taux d'intérêt nominaux et réels relativement faibles par rapport à ses partenaires commerciaux. Mais depuis le début des années quatre-vingt, l'écart s'est constamment contracté (cf. graphique 1). Les craintes ont, de ce fait, rapidement surgi que la Suisse pourrait perdre l'un de ses avantages compétitifs principaux. Certains indices ont effectivement tendance à le confirmer: Le financement des immobilisations corporelles des entreprises suisses, par exemple, a fortement renchéri ces derniers temps. Les experts des marchés croient, par ailleurs, pouvoir établir que le ralentissement du rythme des émissions d'emprunts en Suisse par des débiteurs étrangers est dû à la hausse des taux. La question de savoir s'il s'agit là d'une évolution temporaire ou permanente reste cependant ouverte. Par ailleurs, il n'est pas certain non plus qu'à l'avenir, la Suisse pourra maintenir des taux d'intérêt inférieurs à ceux de l'étranger.

A quoi tiennent les écarts?

En principe, il est logique, en cherchant à expliquer les facteurs déterminants de l'écart entre les taux internationaux, à distinguer une situation de libre mouvement des capitaux de celle imposant des restrictions. Si la circulation transfrontière des capitaux est limitée par l'Etat, ce sont surtout des facteurs intérieurs qui déterminent le niveau et la structure des taux dans le pays. Tant l'attitude intérieure en ce qui concerne l'épargne et les investissements et des fluctuations dans la production, pour des motifs technologiques, que la politique fiscale et monétaire comptent, dans ces conditions, parmi les facteurs déterminants. Selon l'évolution nationale de ces facteurs et en cas de mobilité insuffisante des capitaux, des différences internationales de taux d'intérêt constituent de ce fait la règle et non pas l'exception, rarement constatée du reste.

La situation est différente si les capitaux peuvent circuler librement sur le plan international. Dans ce cas, les marchés financiers internationaux fusionnent de plus en plus pour ne former plus qu'un seul marché financier global. En cas de taux de change flottants, ce rapprochement des marchés nationaux de l'argent et des capitaux s'explique par la théorie de la parité non couverte des taux d'intérêt. Pour cette raison, des différences nominales de taux sur le plan international ne font que refléter les gains ou les pertes de change escomptés par le marché. Conjointement avec la théorie de la parité des pouvoirs d'achat, selon laquelle le taux de change compense, à long terme, toute évolution divergente de l'inflation dans le pays et à l'étranger, il en résulte des taux réels identiques en comparaison internationale.

Mais l'expérience précisément nous a prouvé que même en cas de circulation relativement libre des capitaux, les taux réels de divers pays divergent en général fortement. L'absence de conventions contre la double imposition et des systèmes nationaux les plus divers en matière d'imposition et d'amortissements et/ou une prime de risque positive ou négative d'une monnaie déterminée, pour des motifs politiques ou économiques, peuvent expliquer ce phénomène. Il s'agit ici par conséquent de définir et d'étudier surtout l'évolution des facteurs qui ont accordé jusqu'ici une prime de risque à la Suisse. La question reste toutefois ouverte de savoir si, en raison d'aspects fiscaux, ainsi que de risques politiques et économiques, le marché pourra continuer d'accepter, en comparaison internationale, des taux d'intérêt réels inférieurs en Suisse.

De l'oasis à l'ensablement

Le fait que la Suisse ait été, par le passé, une oasis en matière de taux d'intérêt a tenu à de nombreux facteurs. Les évolutions suivantes ont, notamment, eu une influence prépondérante: En raison des restrictions appliquées par l'étranger à la circulation des capitaux, la politique fiscale et monétaire bénéficiait d'une marge de manoeuvre relativement large en ce qui concerne la structure des taux d'intérêt et celle-ci a été mise à profit systématiquement. Etant donné que par ailleurs la politique monétaire suisse s'est orientée avec succès vers une stabilisation des prix, le franc suisse a pu, jusqu'à un passé récent, conserver sa position de monnaie forte. Conjointement, ces facteurs ont contribué au fait que la compétitivité de l'économie suisse a été soutenue par des taux relativement bas, bien qu'un détachement intégral de la tendance internationale n'ait guère été possible.

De tels succès de stabilité ont toutefois été constatés à l'étranger aussi. En raison du faible risque d'inflation et de change, les investisseurs étrangers ont, de ce fait, été prêts à accepter une rémunération inférieure de leurs placements en francs suisses en comparaison internationale. Cette disposition des investisseurs étrangers a toutefois tenu encore à un autre motif: En raison de la stabilité sociale et politique, de l'observation systématique de principes démocratiques et de la neutralité, mais aussi du secret bancaire, la Suisse a bénéficié également d'une prime de risque sur le plan politique. Cette prime a été renforcée encore par la confiance des investisseurs étrangers en l'efficience et la solidité de banques.

Dans l'optique actuelle, on peut en revanche se demander si et jusqu'à quel point les divergences fiscales internationales ont également eu une incidence positive en matière de taux d'intérêt. Etant donné que la Suisse a conclu des conventions contre la double imposition avec ses principaux partenaires commerciaux au cours des années cinquante et soixante déjà, les aspects fiscaux ne sauraient revêtir une importance majeure. En résumé, on peut par conséquent établir qu'outre les restrictions appliquées par l'étranger à la circulation des capitaux, c'est surtout une politique économique fondée sur le principe de stabilité, alliée à des avantages économiques et politiques que la naissance de l'oasis suisse a été possible.

Déclin des privilèges

Apparemment, certains facteurs, qui avaient contribué à la naissance de l'oasis suisse, ont perdu de leur importance au cours des années quatre-vingt ou ont été relativisés. Vu que les progrès réalisés en matière d'information et de télécommunications ont permis d'intensifier le commerce international et déclenché un processus d'intégration de grande envergure, de nombreux Etats ont libéralisé leurs marchés commerciaux et financiers. Ainsi, le Japon assouplit progressivement sa réglementation du marché des capitaux, tandis que la CE va réaliser, cette année encore, son marché financier commun. La suppression de certaines restrictions concernant les mouvements de capitaux continuera certes de réduire les écarts internationaux des taux d'intérêt, mais les pays dont la compétitivité sera de ce fait affaiblie devraient pouvoir bénéficier de l'expansion générale du volume des mouvements liée aux mesures de libéralisation.

Ce qui est beaucoup plus douloureux pour la Suisse est par conséquent le fait que, par l'évolution récente, des avantages d'antan -- tels que la stabilité sociale et politique, une monnaie forte et le secret bancaire -- ont été soit perdus sur le plan international, soit rencontrés de plus en plus également dans d'autres pays. Alors qu'à l'époque de la guerre froide, l'armement tant à l'Est qu'à l'Ouest et des conflits internationaux, la Suisse revêtait une importance particulière en tant que pays refuge, ces avantages s'estompent visiblement face aux efforts mondiaux de désarmement et à la politique de détente. Etant donné que, par ailleurs, des pays tels que le Luxembourg et l'Autriche offrent, depuis assez longtemps déjà, une discrétion comparable au secret bancaire suisse, les investisseurs n'accorderont sans doute plus à l'avenir à la Suisse une notable prime de risque, c'est-à-dire un rabais de taux pour des raisons politiques. Cela, du fait aussi qu'en Suisse, par les changements intervenus dans l'attitude des épargnants privés et l'importance croissante de la prévoyance institutionnelle, la sensibilisation des investisseurs aux taux d'intérêt s'est généralement accrue.

A cela s'ajoute une prime de stabilité régressive de notre économie, constatée depuis quelque temps déjà. L'introduction du système de paiements interbancaires SIC, au milieu de 1987, et les nouvelles prescriptions sur les liquidités des banques, entrées en vigueur au début de 1988, ont certes rendu notablement plus difficile le contrôle de la masse monétaire par la Banque nationale suisse, mais le succès de la BNS dans ses efforts visant à combattre l'inflation se font toujours attendre. Ainsi, en Allemagne fédérale, le taux de renchérissement est inférieur à celui de la Suisse depuis 1984 déjà. Pour 1990 et 1991 également, des taux d'inflation plus élevés sont escomptés pour notre pays, et cela même en comparaison de la France (graphique 2). Il n'est par conséquent pas supprenant que le franc suisse perde actuellement et, le cas échéant, dans un avenir rapproché également sa position de monnaie forte. De premiers indices sont donnés, après que le franc suisse a été sous pression face au mark allemand depuis octobre 1988. Même à l'heure actuelle, il semble surévalué par rapport au mark, du moins que ce qui concerne la parité des pouvoirs d'achat.

Une politique économique suisse s'impose

Nos considérations ne permettent qu'une conclusion: A l'avenir, les organes responsables de la politique économique de la Suisse devraient tout entreprendre pour maintenir à un niveau aussi bas que possible les risques économiques sur le plan international. Cela exige tant une politique d'information ouverte et crédible dans les secteurs public et privé, qu'une politique monétaire visant à la stabilité. Ce serait la seule possibilité de permettre à la Suisse de conserver sa prime de risque économique, du moins pour un certain temps encore.

A long terme, cette prime est vouée à disparaître, à moins d'afficher la présomption qu'à l'avenir la politique économique de la Suisse remportera en permanence davantage de succès que celle pratiquée à l'étranger. Etant donné que, par ailleurs, des conflits régionaux et des risques politiques ne sauraient être exclus, malgré la détente sur le plan mondial, la Suisse pourrait conserver un modeste reste de sa prime de risque sur le plan politique. Ainsi, la Suisse ne sera plus une oasis, comme elle l'a été jusqu'ici.

Conséquences et conclusions

Les conséquences de l'évolution présentée sont faciles à apprécier: L'ajustement des taux réels suisses au niveau international plus élevé va renchérir le financement réel des entreprises suisses. Etant donné que la Suisse, historiquement parlant, compte parmi les pays à salaires réels les plus élevés du monde, ce renchérissement du facteur de production "capital" risque d'affecter notablement la compétitivité de notre pays.

Malgré cela, il est probablement erroné de parler, à l'heure actuelle déjà, d'une perte notable et irrévocable de la compétitivité de l'économie suisse. D'une part, la disparition de l'oasis suisse ne s'opérera pas soudainement, mais progressivement et sur une période prolongée et, d'autre part, il n'est pas exclu qu'apparaissent de nouveaux facteurs qui apporteront à la Suisse des avantages concurrentiels, temporairement du moins. Tant l'évolution de l'économie mondiale et le processus d'intégration européen que les revirements politiques et économiques en Europe de l'Est peuvent, à cet égard, réserver encore bien des surprises. En fin de compte, il appartiendra aussi à l'économie suisse elle-même de déceler ses désavantages concurrentiels, de les éliminer si possible et d'exploiter en même temps les points forts présents et futurs. La politique monétaire doit, non seulement dans son concept, mais également en pratique être axée de façon encore plus systématique sur la stabilité des prix à long terme. Last but not least, l'Etat devra, lui aussi, contribuer, par ses conditions-cadres, à adapter les armes de l'économie suisse aux standards internationaux en matière de concurrence.

Image des banques et place financière suisse

par N. Senn, président du conseil d'administration de l'Union de Banques Suisses * *Version abrégée de l'allocution prononcée à l'assemblée générale de l'Union de Banques Suisses du 25 avril 1990.

Depuis quelque temps, les banques et la place financière suisse font l'objet d'attaques bien plus en Suisse qu'à l'étranger. Il n'est guère d'autre branche qui rencontre tant d'incompréhension que les banques dans certains médias et, partant, dans le public. Cela peut tenir au fait que leurs activités sont généralement beaucoup moins bien comprises que par exemple celles d'une entreprise de l'alimentation ou d'une compagnie aérienne. En ce sens, les banques sont des "cibles prisées" par les critiques invétérés.

Polémique au sujet des bénéfices

Pour l'exercice écoulé, le bénéfice net de l'Union de Banques Suisses s'est élevé à 902 millions de francs, ce qui représente une progression de 16% sur 1988. Si l'on fait abstraction des corrélations, cela représente, pour le citoyen moyen, une somme énorme ! A l'occasion, on parle même de "bénéfices indécemment élevés".

Si, toutefois, l'on compare ce "bénéfice colossal" aux moyens mis en oeuvre, c'est-à-dire aux fonds propres -- dont l'importance est prescrite par la loi fédérale sur les banques et qui, pour l'UBS, s'élèvent à Fr. 12,6 milliards --, l'image est toute différente. En comparaison de grandes entreprises suisses multinationales d'autres branches, les bénéfices des banques sont véritablement modestes. Ainsi, le groupe Nestlé, dont les fonds propres s'élèvent à quelque Fr. 11,4 milliards, a réalisé un bénéfice net de Fr. 2 milliards, Sandoz, avec des fonds propres de Fr. 6 milliards, un bénéfice net de Fr. 760 millions, le groupe ABB, avec Fr. 4,7 milliards de fonds propres, un bénéfice net de Fr. 580 millions, le groupe Alusuisse, avec un capital de Fr. 1,4 milliard, un bénéfice net de Fr. 320 millions et le groupe d'assurances "Winterthur", avec un capital de Fr. 2 milliards, un bénéfice net de Fr. 220 millions. Toutes ces données concernent l'exercice 1988.

Une telle rentabilité des fonds propres, allant jusqu'au triple de celle des banques, ne font, par contre, jamais l'objet de critiques. Pour les banques, il semble toutefois que certains milieux -- pour une raison ou une autre -- aient tendance à appliquer d'autres critères !

Les taux hypothécaires, un sujet politique

Les taux hypothécaires font, eux aussi, l'objet de critiques infondées. Car, très souvent, ont met en relation directe les bénéfices des banques avec les taux hypothécaires. L'argument avancé est à peu près le suivant: si les banques se contentaient de bénéfices plus modestes, elles pourraient renoncer une fois à majorer les taux hypothécaires.

A ce sujet, il convient de souligner clairement que le bénéfice d'une banque appartient aux actionnaires et non pas aux débiteurs hypothécaires. Ce sont les actionnaires qui mettent le capital risque nécessaire à la disposition de l'entreprise, capital pour lequel ils sont indemnisés durant les bonnes années, mais ils peuvent aussi rester les mains vides en cas de mauvais résultats. Même avec la majoration proposée du dividende, le rendement de nos actions par rapport au cours de Bourse -- et c'est là le paramètre déterminant -- ne se situe qu'entre 3 et 4%, ce qui, comparativement à d'autres possibilités de placement, n'est certes pas excessif.

Ce qui est plus décisif encore est le fait que les opérations hypothécaires se déroulent sur un marché déterminé essentiellement par le genre et l'ampleur des fonds de la clientèle. Si, par exemple, la Banque nationale serre le frein et réduit la masse monétaire en vue de combattre l'inflation, les taux d'intérêt montent dans toutes les catégories de prêts, et forcément aussi ceux des crédits hypothécaires. Cela ne pourrait être évité que si les banques étaient disposées à gérer ce secteur extrêmement important en tant qu'affaires déficitaires, ce qui, du reste, est actuellement le cas pour les nouvelles hypothèques. Dans une optique d'entreprise, et dans celle des actionnaires notamment, cela serait inacceptable à la longue. On ne peut et l'on ne saurait s'attendre à ce que les banques, en tant qu'entreprises privées, subventionnent une catégorie déterminée de clients au détriment du reste de la clientèle et des actionnaires. Des subventions, si elles sont effectivement nécessaires, sont l'affaire des pouvoirs publics.

Par ailleurs, nous devons nous rendre à l'évidence que le niveau traditionnellement bas du loyer de l'argent en Suisse, notamment des taux hypothécaires, est étroitement lié à l'attrait de la place financière suisse pour les capitaux étrangers. Nous tous, les autorités, l'économie, les clients des banques et les actionnaires avons de ce fait un intérêt particulier à ce que cet attrait soit conservé, même dans un environnement européen qui tend vers l'unification. La damnation de la place bancaire et financière suisse a des retombées incontestablement négatives sur son image. Si l'oasis qu'est la Suisse en matière de taux d'intérêt devait perdre sa puissance d'attraction d'antan pour les fonds en provenance de l'étranger, nous serions contraints, à l'avenir, de nous accommoder de taux d'intérêt semblables à ceux de nos pays voisins.

Devoir de diligence des médias

Bien des choses que l'on lit ou que l'on entend de nos jours sur les banques et la place financière suisse me paraissent être rien d'autre qu'une diffamation intentionnelle. Il est absolument intolérable de voir comment certains représentants de la presse propagent sans scrupules des informations, des soupçons ou des accusations infondés. La méthode est toujours la même: on lance une affirmation à travers le monde, d'abord assortie d'un point d'interrogation, mais bien vite ce dernier est omis. Si, par la suite, l'affirmation s'avère fausse, en tout ou du moins en partie, on laisse le sujet s'enliser. Des rectifications, pour autant qu'elles soient faites, ne sont publiées qu'en marge. Le sujet en question n'est après tout plus d'actualité. Le fait qu'un dommage ait déjà été causé ne soucie pas le correspondant, car on ne peut intenter une action en dommages-intérêts. Alors que, dans d'autres pays, de gros efforts sont entrepris pour créer de nouvelles places financières ou pour renforcer celles qui existent, nous nous complaisons, en Suisse, dans une critique démesurée de nos institutions.

Le fait que des erreurs puissent se produire chez les banques également n'est nullement contesté. Mais nous ne devons pas oublier que bien des choses que nous avons créées pourraient servir et servent en fait déjà d'exemple et de modèle dignes d'être imités. Signalons simplement que le concept suisse d'obligation de diligence des banques compte parmi les réglementations les plus sévères du monde et a même été pris comme modèle par la CE pour ses directives, ainsi que par certains autres pays, telle que la Belgique récemment pour sa législation. De même, l'assistance judiciaire suisse, ainsi que les dispositions pénales concernant les délits d'initiés ou le blanchissage d'argent supportent aisément la comparaison internationale. Je voudrais par ailleurs souligner ici avec fermeté que les banquiers suisses, tant sur le plan de l'éthique que de la technique sont bien meilleurs que la réputation dont ils bénéficient dans certains milieux.

J'ai la plus grande compréhension pour les tâches d'information et de gendarmes qu'assument les médias, ce soi-disant "quatrième pouvoir de l'Etat". Les banquiers sont exhortés et astreints à vérifier l'identité des ayants droit économiques des fonds qui leur sont confiés. Je souhaiterais que les médias se soumettent de plein gré à une obligation de diligence analogue en ce sens que des affirmations, des rumeurs et des soupçons soient clairement distingués de faits prouvés et soient rapportés en conséquence. Signalons qu'en Allemagne fédérale, par exemple, un code de la presse à cet égard a été adopté il y a dix ans déjà. Cela requiert sans doute un certain effort, mais celui-ci est après tout exigé des banques également. Une obligation de diligence tant des banques que des médias est dans l'intérêt incontestable de notre place financière et de la communauté.

Léger accroissement des réserves monétaires mondiales en 1989

Les réserves monétaires mondiales (sans les pays de l'Est) ont augmenté de 5,4% à $ 815 milliards. Exprimées en droits de tirages spéciaux (DTS), qui se sont dépréciés de 2,4% environ par rapport au dollar durant l'année (1 DTS= $ 1.314), elles ont progressé de 7,7%, contre 7% en 1988. La part de l'or aux réserves globales a reculé à 5,3% (1988: 5,7%). Les stocks d'or sont calculés au prix officiel de 35 DTS l'once (fin 1989 = $ 46).

En 1989, les pays industriels ont accru leur part aux réserves globales de un pour-cent pour les porter à 66,1%, les NPI et les PVD ramenant la leur à 33,9%.

Le groupe de tête (Japon, Etats-Unis, Taïwan, Allemagne fédérale) réunit 37% environ des réserves monétaires mondiales. La sensible réduction des réserves britanniques et japonaises, ainsi que l'expansion de celles des Etats-Unis ont été le résultat d'interventions sur le marché des changes. En revanche, la Corée du Sud et Singapour ont bénéficié d'un solde commercial très positif et d'une balance des services non moins excédentaire.

L'impact de la CE 92

Même si l'instabilité des Bourses s'est accentuée dès la mi-octobre 1989 et si les rendements escomptés n'étaient plus aussi élevés que l'année passée dans tous les pays, il n'en demeure pas moins que ce sont les marchés européens qui présentent les meilleures chances. La mise en place du plus grand marché intérieur mondial, regroupant 320 millions de consommateurs dans le cadre de la CE 92, et les bouleversements politiques dans le bloc de l'Est, auxquels est lié un important potentiel de croissance, modifieront l'environnement au cours des prochaines années. Compte tenu des excellentes perspectives qui s'ouvrent du fait de ces changements, l'eurosclérose dont il était question récemment a fait place à une "europhorie"; tous les marchés européens en profitent, tout particulièrement actuellement la République fédérale d'Allemagne, les Pays-Bas, la France et la Suisse.

Allemagne fédérale: l'ouverture des pays de l'Est, notamment de la République démocratique allemande, donne des ailes à l'économie allemande au début de cette décennie et se traduira, pendant un certain temps, par des taux de croissance élevés. A court terme, cette évolution se reflète déjà dans les cours. Nous sommes toutefois d'avis que la Bourse allemande continuera de hausser à moyen terme.

France: les investisseurs ont tiré parti des conditions favorables (monnaie forte, stabilité politique, inflation modérée). En avril, la Bourse de Paris a accumulé les records dans un volume d'échanges étoffé et n'a guère réagi aux accès de faiblesse des principales Bourses mondiales. En dépit des plus-values enregistrées, les prévisions demeurent bonnes.

Pays-Bas: l'économie néerlandaise profitera de l'ouverture de l'Est. Cependant, contrairement à l'Allemagne fédérale, elle n'aura pas à supporter une accélération de l'inflation ni une part des coûts structurels et sociaux. La Bourse d'Amsterdam est traditionnellement faiblement évaluée en comparaison internationale et n'a jusqu'ici retiré aucun avantage des développements observés dans les pays de l'Est.

Suisse: l'affermissement du franc suisse qui s'annonce devrait de nouveau attirer les investisseurs étrangers sur le marché et faire sortir la Bourse de sa léthargie. Aujourd'hui, les actions suisses sont relativement faiblement appréciées. Les risques d'une baisse des cours sont cependant nettement moins grands que les chances de hausse. Les titres de premier ordre des secteurs industrie et consommation, ainsi que certains titres spéciaux sont au centre de l'intérêt.

Poursuite de la hausse des taux

Les espoirs nés au cours du premier trimestre d'un essoufflement progressif de la flambée des taux se sont déjà évanouis en avril. Abstraction faite du net raidissement occasionnel des taux sur le franc suisse, le court terme n'a enregistré que des fluctuations mineures, alors que les rendements obligataires ont continué de hausser ou repris leur marche ascendante pratiquement partout. Cette situation est attribuable aux craintes de recrudescence de l'inflation aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Allemagne fédérale notamment. Le fait que le marché obligataire japonais ait constitué la seule exception d'importance en entrant dans une phase de consolidation, malgré la faiblesse du yen, est signe de l'influence possible des rapatriements de capitaux nippons placés à l'étranger.

Fed: le bon choix

Les récents indicateurs conjoncturels ont confirmé le bien-fondé de l'attitude prudente de la Réserve fédérale, en butte encore une fois ces derniers temps aux critiques de l'Administration américaine pour son opposition à tout nouvel assouplissement de la politique monétaire. L'économie américaine est bien plus robuste qu'on ne le pensait récemment encore. Par ailleurs, l'inflation - même corrigée des influences ponctuelles - reste à un niveau préoccupant. C'est pourquoi ceux qui en début d'année avaient taxé le relâchement passager des rênes monétaires de prématuré refont déjà entendre leur voix. En avril, les rendements des bons du Trésor ont de nouveau haussé de 0,4 point à plus de 9% dans un contexte de large stabilité des taux du court terme, traduisant ainsi le scepticisme des investisseurs à l'égard d'un succès rapide dans la lutte contre l'inflation.

Incidence de l'union monétaire

En avril, les rendements des marchés européens des capitaux ont également repris leur progression, après l'accalmie enregistrée en mars. La création imminente d'une union monétaire interallemande a été le principal facteur de cette poussée. Dus à des considérations moins économiques que politiques, les plans d'union laissent présager une inflation et des taux d'intérêt de haut niveau. L'offre effectuée par Bonn le 23 avril (taux de conversion 1:1 pour les salaires, les traitements, les retraites et l'épargne jusqu'à concurrence de DM 4'000.-; 1:2 pour les autres créances et dettes) a accentué la nervosité du marché obligataire allemand et affecté également les emprunts français et néerlandais. En revanche, le marché obligataire britannique est resté confronté à ses propres problèmes, étant donné que la politique d'argent cher de la Banque d'Angleterre n'a pas réussi jusqu'à présent à enrayer la hausse des prix et la faiblesse de la livre.

Rapatriements japonais?

Il semblerait que l'attitude des investisseurs institutionnels japonais ait interféré avec la tendance sur les marchés financiers internationaux. Bien qu'il s'agisse plus de suppositions que de faits avérés, la consolidation des rendements sur le marché obligataire nippon, malgré la faiblesse du yen et alors que les taux ont haussé sur les principaux marchés étrangers, témoigne d'une concentration, du moins provisoire, de ce groupe d'investisseurs sur des titres nationaux à revenu fixe. En outre, les gains de change réalisés à partir d'éventuels rapatriements pourraient partiellement compenser les pertes de valeur subies sur les actions japonaises.

Taux: sommet pas encore atteint

En avril, les taux du court et du long terme ont haussé en Suisse. Le phénomène a été particulièrement sensible dans le court terme, où l'argent au jour le jour a franchi par moments la barre des 10%, tandis que l'eurofranc à 1 mois renchérissait de 3/4 de point. Par contre, les dépôts à 12 mois n'ont augmenté que de 1/8 de point. L'accentuation de la courbe inversée des taux dans ce secteur étant moins due à un tour de vis supplémentaire de la Banque nationale qu'à un déséquilibre dans la répartition des liquidités dans le système bancaire, elle a donc été temporaire. Une véritable détente du court terme n'est toutefois pas envisagée avant le second semestre 1990 et présuppose un assouplissement - pour l'instant encore hypothétique - de la politique monétaire.

Un renversement de tendance sur le marché suisse des capitaux paraît encore plus lointain. Les perspectives d'une décélération de l'inflation à un niveau tolérable vers la fin de 1990 demeurent certes intactes, mais les taux élevés servis dans l'espace communautaire en rapport avec les restructurations dans les pays de l'Est s'opposent à une forte diminution des rendements en Suisse. En avril, la progression a été contenue dans des limites plus étroites que les mois précédents. Lancé en fin de mois, le nouvel emprunt de la Confédération n'a remporté qu'un succès mitigé, malgré un coupon attrayant de 6 3/4%.

Intérêt mitigé des investisseurs

En avril, l'or s'est tout d'abord timidement affermi. L'élan a été donné principalement par une reprise des achats en provenance du Moyen-Orient et par des achats sporadiques, ainsi que par une demande physique accrue. D'autres stimulants ont surgi d'une hausse de l'argent motivée par la pratique des graphiques et de l'annonce que l'Union soviétique informera dorénavant sur la valeur et l'importance de sa production et de ses réserves de métal jaune. La pression sur les cours s'est accentuée dès le milieu du mois. Comme lors de l'effondrement des prix en mars, les activités commerciales moyenne-orientales notamment semblent en avoir été la cause. A cela s'ajoute une plus forte retenue des investisseurs japonais consécutivement à la baisse de la Bourse de Tokyo et, exprimé en yen, au prix de l'or toujours aussi élevé en raison de la faiblesse persistante de la monnaie nationale. Durant la seconde moitié d'avril, les marchés ont été calmes. Ni les fluctuations du dollar, ni l'évolution des prix du pétrole ou encore les indices défavorables du coût de la vie aux Etats-Unis en ont influencé l'évolution. Les oscillations de prix sont donc demeurées dans une étroite fourchette.

Au 30 avril, l'or a clôturé à $ 367 l'once, l'argent à $ 4.94 l'once et le platine à $ 488.50 l'once.

Coopération du G7 en veilleuse

En avril, l'attention des opérateurs s'est une nouvelle fois fixée sur la déprime de la Bourse japonaise et sur le projet d'union monétaire interallemande. Face à la menace de l'inflation, les banques centrales se sont pour leur part attachées à suivre une politique axée sur le raffermissement de leur monnaie. Lors de la réunion du G7 le 7 avril à Paris, la faiblesse du yen a certes été prioritaire, mais aucun train de mesure n'a été à proprement parler adopté en vue de son soutien, les ministres des finances s'étant contentés de réaffirmer leur engagement de coopérer sur les marchés des changes. Les interventions concertées se sont ainsi limitées à des ventes de dollars contre du yen, ventes restées au demeurant sans grand effet.

Affaiblissement du dollar

Le dollar a évolué comme suit: Fr. 1.5025 le 2 avril, Fr. 1.4765 le 19, Fr. 1.4940 le 23 et Fr. 1.4505 le 30. Favorisé en début de mois par l'absence d'alternatives intéressantes, le billet vert n'a que légèrement faibli à l'approche du sommet du G7 et à la publication de l'indice peu favorable de l'emploi en mars. Si les interventions des banques centrales l'ont ensuite contraint à céder davantage de terrain, il s'est néanmoins ressaisi après la pause pascale sous l'effet des tensions entre Moscou et les Républiques baltes et de la perspective d'un spectaculaire redressement de la balance commerciale américaine. Anticipée, l'annonce de la baisse du déficit commercial américain à $ 6,5 milliards en février, loin de soutenir le dollar, a au contraire donné lieu à des ventes bénéficiaires. Par la suite il a continué de déraper, victime du recul du marché obligataire américain (perspectives inflationnistes peu favorables et ventes de bons du Trésor américain par les investisseurs japonais) et de la fermeté du franc suisse.

Nervosité du mark

Le mark cotait 1.6970 par dollar le 2 avril, 1.6695 le 19, 1.7020 le 24 et 1.6785 le 30. Par rapport au franc suisse, il se négociait à 88.54 pour cent unités le 2 avril et à 86.42 le 30. Les incertitudes liées aux modalités de l'union monétaire interallemande ont incité les investisseurs à ne prendre aucune initiative et conféré dans un premier temps une certaine instabilité au mark. Le 23 avril, la proposition de Bonn d'échanger à parité les salaires, les rentes et une partie de l'épargne des Allemands de l'Est a pesé sur le mark de par les tensions inflationnistes qui pouvaient en résulter. Les spéculations au sujet de contre-mesures monétaires envisagées par la Bundesbank ont eu toutefois un effet stabilisateur.

Forte instabilité de la livre

La livre s'échangeait à $ 1.6235 le 2 avril, à $ 1.6495 le 19 et à $ 1.6375 le 30. La livre a évolué au gré d'incidences diverses. Si elle a bénéficié de la perspective d'un niveau toujours élevé des taux d'intérêt ainsi que des accès de faiblesse passagers du dollar, du yen et du mark, elle a en revanche sévèrement pâti, dans les échanges croisés notamment, des émeutes occasionnées par la "poll tax", des grèves dans le secteur de l'électricité, des signes de stagflation de l'économie britannique et du second déficit commercial le plus lourd enregistré de mémoire en mars.

Le sommet de l'inflation n'est pas encore atteint

En mars 1990, l' indice national des prix à la consommation a progressé de 0,3% à 119,9 points (décembre 1982 = 100). La hausse des prix des groupes aménagement et entretien du logement (+2,7%), habillement (+1,4%), alimentation (+0,5%), ainsi que santé et soins personnels (+0,5%) a été déterminante. En revanche, l'indice du groupe transports et communications (-0,3%) et chauffage et éclairage (-0,7%) a reculé en raison du fléchissement du prix de l'essence et de l'huile de chauffage en l'espace d'un mois. Le renchérissement annuel a passé de 4,9% en février à 5% en mars. Le taux de l'inflation devrait être inférieur à 5% en avril pour atteindre 5,5% environ en mai du fait de l'augmentation prochaine des loyers.

L' indice des prix de gros a progressé de 0,6% à 183,1 points (1963 = 100) en mars. Alors que les prix des biens de consommation (+1,1%), des matières premières et des produits semi-finis (+0,6%) augmentaient, l'indice des produits énergétiques et connexes reculait de 0,1% en un mois. D'une année à l'autre, les prix de gros ont haussé de 2% (marchandises suisses +2,8%, marchandises importées -0,2%).